Colloque : « L’activité scientifique et la condition de chercheur »

Introduction au débat, par André Jaeglé, président de la FMTS au Colloque international 11-13 février 2009, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée

Inlassablement la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques s’efforce, depuis sa création au lendemain de la seconde guerre mondiale, de mettre en évidence ce que doit être — devrait être — le rôle de la science, d’appeler les travailleurs scientifiques (chercheurs, ingénieur, enseignants — pas seulement les académiques) et leurs organisations à agir dans ce sens. Elle s’efforce aussi de formuler les conditions matérielles et morales pour que la réalité corresponde à l’ambition.

Le rôle de la science n’est pas l’affaire des seuls scientifiques. Tout citoyen a son mot à dire. Dans le même temps, il faut dire et répéter, une fois de plus, que la recherche scientifique ne se fait pas — en tous cas pas directement — en fonction des seules attentes de la société. Si cette affirmation ne souffre guère de contradiction dans le cas de la recherche scientifique fondamentale en physique, par exemple, elle est vraie aussi, plus qu’on ne pourrait l’imaginer dans la recherche industrielle où les exemples ne manquent pas de directeurs de recherche qui attendent, avant d’informer leur direction générale des avancées et des espoirs qu’ils nourrissent, d’être suffisamment près du but pour ne pas être soumis à la délétère pression des délais.

Cela dit, la demande sociale existe. Actuellement elles s’exprime sous la forme d’une exigence contradictoire : il faut de la croissance pour créer de emplois. Mais cette croissance ne correspond que très peu aux critères du développement durable.

La société et l’opinion publique ne questionnent pas seulement la science en tant qu’activité sociale, dans le cadre de débats philosophiques. Elles questionnent aussi les scientifiques, qui sont des êtres humains et des citoyens dans le cadre de débats, politiques ici, éthiques là. La liberté de la recherche n’est donc pas seulement la liberté, pour les chercheurs de déterminer leurs programmes de recherche — je n’ai pas dit la liberté de dépenser les crédit mis à leur disposition au mépris des engagements contractuels pris. La liberté de la recherche c’est aussi — et même, je crois que c’est surtout — la liberté de dire ce qu’ils ont à dire sur la place que leurs travaux peut prendre dans la vie de la société. Je vais plus loin : ce n’est pas seulement u droit. C’est un devoir.

Les textes et déclarations existent. La FMTS y a contribué : la Recommandation de l’UNESCO de 1974 fondée sur la déclaration des droits. Le Manifeste de Lisbonne de 1992 qui liait droits et devoirs. La Déclaration sur la science et l’usage des connaissances scientifiques et l’Agenda pour la science adoptés par la Conférence mondiale sur la science à Budapest en 1999, à l’initiative de l’UNESCO et de l’ICSU.

Ce dont il s’agit dans ce colloque n’est pas de refaire ce qui a déjà été fait. De nombreuses personnalités et organisations ont adopté, publiquement, des positions sans équivoque sur ces points.

Mais ces dernières années la situation s’est aggravée, tant celle des chercheurs, et particulièrement des jeunes — je n’entre pas dans les détails — que celle qui touche à ce qu’on appelle le développement durable. Nous entrons, aiment à dire certains observateurs, dans la société du savoir. Soit !

Mais ce qui se développe aujourd’hui c’est surtout un asservissement de la connaissance aux intérêts privés, une économie fondée sur l’idée que le savoir peut être considéré et traité comme une marchandise.

Et ce qui se développe aussi, en ce moment même dans les universités françaises, c’est un mouvement sans précédent de rejet, de résistance à la transformation de ces université en industries du savoir, en industrie produisant selon les règles du management privé. Nos amis japonais ont connu un tel mouvement, il y a quelques années. Nul doute que cette résistance se répande à travers le monde tant cette « économie de la connaissance » est contraire aux besoins réels du développement des connaissances scientifiques et à leur utilisation dans le respect des exigences du développement durable.

Le courant altermondialiste qui s’oppose à la marchandisation tous azimuts, pénètre aussi le monde de la science. En témoigne le forum mondial Science et démocratie, qui s’est tenu à Belém juste avant l’ouverture du Forum social mondial, avec 200 participants dont un cinquantaine d’européens.

Les solutions existent. On sait, ou on croit savoir ce qu’il faudrait faire. Et on s’accorde facilement pour reconnaître que tout est question de volonté politique. Pour nous, nous, organisations syndicales et associations non syndicales de travailleurs scientifiques, ce dont il s’agit, au-delà de la dénonciation, au-delà de l’analyse des obstacles, c’est de tenter de concevoir et formuler des mesures claires, concrètes, réalistes en même temps que mobilisatrices. Des mesures dont ces organisations puissent se saisir et les intégrer dans leurs programmes revendicatifs. Cela nous paraît être une étape indispensable. Le traitement des jeunes (niveaux de rémunérations, durée des contrats, garanties sociales, logements) est prioritaire. Mais aussi la démocratie, c’est-à-dire la façon dont sont générés les politiques scientifiques. Si certains aspects relèvent de solutions nationales, la dimension mondiale et la dimension européenne sont essentielles.

Nous disposons de cinq séances : elles sont conçues pour donner le maximum de place aux participants.

Place aux premiers intervenants et au débat !