Solidarité Brésil
Lettre ouverte aux universitaires
Des informations graves, qui nous parviennent concernant des faits s’étant produit dans plusieurs universités du Brésil nous conduisent à vous alerter et à vous demander de prendre toute initiative appropriée. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples.
IL apparaît que ces faits visent l’Université publique sans doute considérée comme un insupportable foyer d’affirmation de liberté et de respect des droits humains. Le respect de la souveraineté du Brésil et de son gouvernement ne saurait justifier l’indifférence et l’inaction face à une telle situation.
Nous tenons à rappeler des textes internationaux fondamentaux. En premier lieu, citons la Déclaration universelle des droits de l’homme qui affirme le droit, pour tout individu, à la vie, à la sureté de sa personne, à une « égale protection » par la loi.
D’autre part, la 39ème Conférence générale de l’Unesco a voté à l’unanimité la « Recommandation concernant la science et les chercheurs scientifiques ». Cette recommandation implique, tant dans son esprit général et les références visées dans son préambule que par nombre de ses articles, un engagement de tous les pays à assurer aux chercheurs, une protection et des conditions de travail appropriées à leurs responsabilités, qu’ils appartiennent au secteur privé ou au monde universitaire .
En tant qu’organisation attentive à la situation des scientifiques et à leur rôle dans la société, nous nous faisons un devoir de vous alerter. Plus généralement, le déni des règles qui doivent prévaloir dans tout État de droit, quelques en soient les victimes, doit mobiliser la réaction de tous ceux qui sont attentifs à la défense et au développement des droits humains.
C’est pourquoi la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques s’adresse à vous pour que vous usiez de tous moyens à votre disposition pour obtenir que le gouvernement du Brésil fasse cesser les agressions et autres formes de harcèlement dont sont victimes les chercheurs de ce pays.
Dr Jean-Paul Lainé
Président de la FMTS
Exemples d’atteintes aux libertés et d’agressions diverses (2017-2018))
Université de Sao Paulo : le 23 août 2017, un groupe envahit le Campus pour une « opération nettoyage », à savoir, enlever de tous les murs de l’Université ce qui était considéré comme « inacceptable ». Opération repoussée.
Université catholique de l’État de Pernambuco : le 5 octobre 2017, un groupe tente d’empêcher la tenue d’un colloque sur le centenaire de la Révolution russe organisé conjointement par le syndicat étudiant et les enseignants… qui ont fait échouer la tentative.
Le 25 octobre 2017, un groupe d’individus en tenue militaire envahit la salle où se tient un autre colloque sur le même sujet, à l’initiative des chercheurs de l’Université de l’État de Rio de Janeiro. Les participants au colloque sont filmés et insultés et le colloque est interrompu.
Aéroport de Sao Paulo : le 12 novembre une collègue invitée à un colloque de philosophie, est prise à partie et insultée.
Université fédérale de Bahia : le 6 novembre 2017, dans un contexte d’agressions répétées par des groupes d’extrême droite, l’Université doit renforcer la sécurité des lieux lors de la présentation du travail d’une étudiante-chercheure portant sur « sexualité et diversité de genre dans l’éducation infantile ». Il y a des insultes verbales, des menaces de mort à l’adresse d’enseignants-chercheurs, des incursions diffamatoires et mensongères dans les sites Internet communiquant sur leurs projets de recherche.
Le 13 novembre 2017, incursion dans le Campus d’un groupe portant des armes à feu et des battes en bois. Il s’agissait de provoquer un conflit. Le recteur a dû faire appel à la Sécurité du Campus pour dégager les lieux. Le Recteur lui-même, défenseur de l’autonomie universitaire, est alors devenu la cible personnelle de ces violences, pour avoir pris la défense des enseignants et du personnel.
Université fédérale de Ouro Preto, État de Minas Gerais : c’est un procureur d’État qui diligente une enquête policière sans aucun motif. L’enquête vise un projet de recherche sur le thème « Idéologies ». Le procureur décide de suspendre le projet.
Université Fédérale de Santa Catarina : le 14 septembre à 6h30 du matin, un ancien recteur de l’Université est arrêté à son domicile dans le cadre d’une « enquête sur corruption ».
Sans même avoir eu le temps de comprendre la raison de son arrestation, le Recteur répond à l’interrogatoire avant de pouvoir appeler son avocat. Après 5 heures d’interrogatoire il est mis tout nu, subi des fouilles intimes au corps, et trente heures plus tard, humilié et vêtu avec les habits jaune de tout prisonnier, est envoyé au Pénitencier de Florianópolis, où il reste 18 jours. Il est libéré comme il a été arrêté. Sans rien et sans aucune explication, si ce n’est l’interdiction de mettre les pieds dans le Campus universitaire. Le Recteur est allé se jeter du 4ème étage d’un centre commercial. Aucune accusation n’a été établie contre lui, aucune preuve de culpabilité non plus.
Université de Brasilia : mai-juin 2018, une enseignante-chercheure est harcelée, menacée de mort et obligée de quitter Brasilia sans doute parce qu’elle est militante de la dépénalisation de l’avortement.
Dans cette même université un étudiant a été retrouvé mort près des résidences universitaires ; assassinat sans doute car il était l’un des occupants du rectorat depuis avril.
Université fédérale de Bahia : ce printemps, à nouveau des menaces contre des professeurs -dont l’un menacé de mort- en raison du contenu de leurs recherches ; un étudiant de master a également été menacé avant la présentation de son mémoire.
Université fédérale de l’ABC : trois enseignants sont inquiétés, objets d’une commission d’enquête, tout simplement pour avoir publié une interview de l’ancien président Lula.