Message de Vyacheslav Vdovin
Message de Vyacheslav VDOVIN, Vice-président de la FMTS,Président du Conseil du Syndicat de l’Académie des sciences de Russie
Chers collègues !
Je vous salue au nom du Syndicat des travailleurs scientifiques de l’Académie des sciences de Russie, pour le moment le seul représentant russe au sein de notre association. Permettez-moi aussi de transmettre les amitiés de mes camarades — les dirigeants des syndicats académiques de l’Ukraine et de la Biélorussie qui expriment un vif intérêt pour le travail de notre organisation et l’intention de nous rejoindre plus tard. Ils ont été invités par notre Président à participer à nos manifestations d’aujourd’hui. Malheureusement cette invitation leur est parvenue avec retard, ce qui n’a pas permis de répondre aux formalités d’obtention de visa. Par ailleurs et pour cette raison particulière, je crois être obligé de souligner l’importance d’une de nos activités vouées à la promotion de mobilité des scientifiques, au monde sans frontières et à l’assouplissement de la règlementations des visas pour les gens de la science même malgré le danger du terrorisme. Parmi les scientifiques il n’y a pas de terroristes ! Il est nécessaire d’approcher l’UE et les gouvernements des principaux pays en leur demandant de résoudre immédiatement le problème de la transparence des frontières pour les scientifiques.
Je voudrais aborder un sujet à la demande de Mme Marina Kargalova, laquelle vous transmet aussi ses amitiés et dont vous devez vous rappeler l’excellent rapport et la discussion qui le suivit lors de notre conférence de février 2009. Notre président d’honneur André, l’a également invitée à l’« open debate on social needs and energy resources promoted by the Federation on the occasion of its 79th Executive Council Meeting ». Elle aurait accepté avec plaisir cette invitation et aurait exposé elle-même son sujet mais, toujours en raison des réglementations sur les visas, elle n’a pas pu se joindre à nous. À l’arrivée de l’invitation d’André son passeport se trouvait au Consulat d’Italie et elle aurait dû entrer d’abord en Italie et non en France pour ne pas violer l’accord de Schengen. Mme Kargalova et ses collègues suggèrent d’initier la discussion sur la formation d’une nouvelle image du monde après la crise. Pour les Russes cela est très actuel. Le fait est que les leaders de l’économie mondiale : les USA, la Chine, l’Europe, suivant la logique de l’utilisation de la crise pour la rénovation de leurs économies et méthodes technologiques, ont déclaré comme l’une des mesures anti-crise l’intensification des investissements dans la science et les innovations. Il est très intéressant d’évaluer le bilan de la modernisation en cours et l’efficacité d’une telle politique. Le problème est caché par le fait que les pouvoirs russes ont annoncé l’innovation et la modernisation comme tâches-clé du moment. Le Président Medvedev les a évoquées dans son programme « Allez, la Russie » et, dans son adresse annuelle de fin de l’année, a désigné ces tâches comme étant des devoirs pour l’Assemblée Fédérale. L’année dernière le gouvernement russe a soumis à un large examen populaire le Programme anti-crise. La communauté scientifique russe, s’inspirant de l’exemple des Présidents Obama et Sarkozy, a suggéré à V. Poutine d’inclure un éventail de mesures de soutien de la science russe dans ce programme anti-crise. Mais la réaction a été un peu particulière. D’abord nous avons reçu sur notre répondeur téléphonique une réponse avec remerciements pour nos propositions et la promesse de tenir compte de nos souhaits. Après quoi, une lettre détaillée, signée par un fonctionnaire de bas niveau du Ministère de la science et de l’éducation, nous est parvenue avec l’idée que dans le domaine du financement de la science russe tout était déjà en ordre parfait. L’une de nos propositions, concernant l’augmentation de la bourse pour les aspirants qui atteint aujourd’hui un pitoyable 1500 roubles (40 euros) a été étudiée par le gouvernement et, à partir du 2010, sera portée à 2100 roubles (50 euros). Cette mesure arrive alors que le minimum vital dans notre pays est déjà de plus de 100 euros et que le salaire du chercheur en début de carrière est de 300 euros. Après une telle hypocrisie, on publie et on réalise le programme anti-crise dans le cadre duquel des ressources énormes sont dirigées vers la sphère financière, tandis que les fonds pour la science sont diminués régulièrement. En 2009 le budget déjà adopté de l’Académie a été réduit de 15% tandis que, dans le budget du 2010, on voit presque la même diminution (-11% ou 100 millions d’euros). Les investissements russes dans la science publique ne sont pas conformes à la pratique existante des leaders de l’économie mondiale. Si en Europe, aux USA, dans les pays asiatiques développés, on dépense pour la science de 2 à 4% du PNB, en Russie nous sommes aux alentours de 1%. Voilà pourquoi les salaires des scientifiques russes en Russie sont 5 fois moins que s’ils travaillaient dans les centres de recherches en Europe ou aux USA. Pour pouvoir payer ces salaires lamentables on a diminué toutes les autres dépenses. Les salaires font 80% du budget de l’Académie et nous n’avons pas d’argent pour l’équipement et les matériaux non plus que pour payer les charges communes.
Tout cela provoque une migration interne active (dans plusieurs branches de l’économie russe les salaires sont plus élevés que dans le secteur de la science) et une migration externe des chercheurs — ce problème était déjà à l’ordre du jour du Comité exécutif de la FMTS. Nous soutenons l’idée d’étudier ce sujet et le croyons très important non seulement pour l’Afrique mais aussi pour l’ex-URSS. Je dois noter que l’offre en dumping de mes compatriotes au marché du travail scientifique mène au gel des salaires des chercheurs ici, en Europe. A quoi bon augmenter les salaires des chercheurs en Europe lorsqu’on peut engager des gens assez compétents en provenance de la Russie, d’Afrique ? Nous soutenons l’initiative de la FMTS visant à garantir le travail avec un salaire digne pour les scientifiques dans le monde entier.
De son côté la communauté académique russe demande votre soutien dans notre lutte contre le pouvoir exécutif russe qui ignore non seulement nos appels et les déclarations du Président Medvedev mais ses ordres directs. Le 24 janvier courant, après sa visite à l’Académie des sciences, le Président Medvedev a non seulement reconnu la nécessité du soutien de l’Académie des sciences de Russie mais a chargé le Gouvernement d’un certain nombre de missions concernant les mesures destinées à ce soutien. Le délai d’une des missions est expiré. Cette commission concerne la situation résultant de la réduction du nombre des travailleurs des établissements de l’Académie de 7000 personnes par an les 3 dernières années. C’était le prix qu’avait demandé le Gouvernement pour pouvoir augmenter les salaires des chercheurs qui atteignaient 750 euros par mois. En outre, le sujet devenu le plus cuisant est l’embauche des jeunes dans les centres de recherches. Il n’y avait pas de postes vacants. Le président Medvedev a chargé le Ministre de la science de la mission de trouver les postes complémentaires pour les jeunes avant le 1er mars courant ; nous sommes déjà en avril mais rien n’est fait. Compte tenu de ces évènements et de la conception si particulière de notre Gouvernement quant aux mesures anti-crise, le Syndicat des travailleurs de l’Académie des sciences a annoncé, lors de sa conférence de 23-25 mars, une action nationale de protestation qui aurait lieu à travers tout le pays et se terminerait le 17 mars par un meeting devant l’immeuble du Gouvernement de Russie. Dans le cadre de la manifestation traditionnelle des travailleurs du 1er mai, nous appelons aussi les membres de notre syndicat à descendre dans les rues avec les slogans « La bourse d’aspirant pour Poutine », « Rembourser ses dettes à la science », « Démission du ministre Foursenko »… Nous demandons à la FMTS le soutien solidaire de notre action. Il y a une semaine, à St-Petersbourg, a eu lieu la rencontre des représentants de notre branche locale avec l’académicien Jores Alferov, Prix Nobel et président du Centre de recherches de St-Petersbourg de l’Académie des sciences de Russie, vice-président de l’Académie des sciences, député communiste du Parlement russe. L’occasion de ce rendez-vous a été sa décoration de la médaille d’or de notre syndicat « Pour le partenariat social » ainsi que nos félicitations à l’occasion de son récent 80ème anniversaire. L’académicien a salué sincèrement nos activités conjointes avec la FMTS vouées à la protection des intérêts des travailleurs scientifiques et a soutenu notre future action de protestation. En conclusion, nous avons fait quelques photos ; je vous présente une d’elles quand le prix Nobel m’offre son nouveau livre de mémoires. J’y ai trouvé avec plaisir beaucoup de pages et des photographies consacrées à ses rencontres avec les fondateurs de la FMTS, Fréderic et Irène Juliot-Curie, John Bernal. Je crois que la traduction de ce livre peut être tes intéressante pour mes collègues de la Fédération.
Profitant de cette tribune j’aimerai exposer aussi le point de vue de notre syndicat sur autres sujets des manifestations d’aujourd’hui.
Les problèmes de la lutte pour la paix soulevés par le collègue Sreesh Juyal nous sont aussi très proches. Nous les avons examinés au sein du Présidium de l’Académie des sciences de Russie avec le Président du Comité Pugwash de Russie, l’ex-Ambassadeur russe en France, l’académicien Youri Ryzhov et son assistant M. Lebedev. Ce thème se trouve plutôt dans le créneau du Comité Pugwash et nous nous sommes entendus pour poursuivre conjointement la coopération dans cette direction avec la FMTS. Nous avons même évoqué la possibilité de la visite à notre conférence à Paris du représentant du Comite Pugwash russe. Un seul obstacle ne l’a pas permis : le Comité Pugwash russe organise sa propre manifestation à Grozny en Tchétchénie et tous les responsables sont pris. Souhaitons à nos partenaires de succès dans leur travail difficile. Je transmettrai avec plaisir à mon collègue Sreesh Juyal les coordonnées des partenaires russes intéressés qui pourront coopérer avec lui en Russie dans ce domaine si important d’activité de notre Fédération. Enfin je ne peux pas éviter le sujet des énergies et ressources. Dans la communauté scientifique russe il y a des gens compétents et intéressés, prêts à participer à l’étude de ce thème. Je les ai rencontrés avant mon départ ici et leur ai promis de rapporter tous les matériaux des futures discussions. Ils poursuivront volontiers les contacts avec la FMTS dans ce domaine. De ma part je participerai avec plaisir aux débats du 16 avril.
En conclusion j’invite tous nos partenaires à participer aux conférences de notre Syndicat prévues pour cette année (mai, à Kazan et septembre à Ekaterinbourg)