Rapport Introductif de la 22ème Assemblée Générale
Plan :
Introduction
La situation internationale
La situation dans le domaine de la science
Les responsabilités et l’activité de la FMTS
Les tâches de cette 22è Assemblée générale
Monsieur le Président de la République du Sénégal
Monsieur le Premier Ministre
Messieurs les Ministres
Mesdames et Messieurs les Recteurs,
Chers collègues, délégués des organisations affiliées, candidates à l’affiliation et amies.
I . Introduction
Je tiens tout d ‘abord à remercier les autorités politiques et universitaires qui nous font l’honneur d’accueillir cette 22è Assemblée générale ainsi que nos autres activités de la semaine, notamment le Symposium qui se tiendra demain dans ces mêmes locaux, symposium ouvert au public et qui a pour thème « » , mais aussi les réunions des groupes de travail et les sessions du conseil exécutif et du secrétariat international.
Je remercie nos 2 organisations affiliées sénégalaises, les syndicats représentatifs des personnels enseignants et chercheurs, le SAES et le SUDES et notamment les dirigeants nationaux qui ont organisé concrètement ces réunions en étroite collaboration avec notre secrétariat international et le bureau opérationnel de la Fédération ; je veux citer spécialement Malick Sall, Cheikhou Sylla, Seydi Ndyaye et Oumar Dia. Nous avons tenu des conférences téléphoniques très régulièrement depuis presque un an, depuis fin février précisément.
Je tiens aussi à remercier et à nous féliciter de la présence de la majorité des membres du Conseil exécutif (22 sur 31). Malgré les contraintes de temps et d’argent, près de 60 personnes venues de l’étranger, provenant de 4 continents, de 19 pays, sont réunies ici,. Alors que nos organisations affiliées ont leur propre agenda, qu’elles sont accaparées par la défense individuelle et collective des collègues, c’est un signal positif fort qu’elles nous envoient en étant représentées ici pendant presque une semaine.
II. La situation internationale
II.1. Les caractéristiques dominantes
En ouverture de cette Assemblée Générale qui clôt un mandat de 4 ans et en ouvre un autre, je ne peux que rappeler les caractéristiques de la situation telles que je les ai décrites depuis plusieurs sessions du Conseil exécutif, depuis Alger notamment en 2012 ainsi que lors de notre Assemblée Générale précédente de Moscou. Je cite :
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le développement du recours à la guerre aux dépens de la diplomatie et de la négociation
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la crise politique, économique et sociale qui se développe en Europe et en Amérique du Nord et qui n’est pas sans conséquence dans le monde entier
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le développement du « repli sur soi », de l’intolérance et de l’irrationnel ; le rôle négatif des grands moyens d’information et de communication
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la crise environnementale, l’épuisement des ressources, les dérèglements climatiques, la question de l’énergie.
Rien cette dernière année n’a été fait qui atténue sérieusement ce constat inquiétant sinon terrifiant. Un hommes politique récemment élu vocifère et menace au point d’inquiéter même les dirigeants de ses armées. Le même remet en cause la signature de son pays quant à l’accord de Paris sur le climat. Le même encore décide de retirer son pays de l’UNESCO, le même toujours est d’une grande indulgence à l’égard des « suprémacistes blancs ». D’autres consolident et développent leur dictature. Je ne veux donner qu’un exemple qui atteint le monde universitaire, c’est celui de la Turquie : des milliers d’enseignants, de chercheurs ont été chassés et emprisonnés hors des principes élémentaires du Droit. D’autres utilisent le terrorisme, exacerbent les différences de cultures, de religions pour diviser, dominer et exploiter les êtres humains. Un tableau de « déshonneur » serait des plus fournis.
IL me vient que je dois ajouter un 5è fléau dans mon constat premier, dans mon énoncé des caractéristiques de notre monde actuel, c’est celui des réfugiés. Conséquence et renforcement en même temps des 4 premiers, il va atteindre de telles proportions que tout « honnête homme », toute organisation progressiste doit s’en emparer.
Pourtant dans le même temps sont obtenus des résultats modestes, partiels, fragiles mais d’un grand potentiel ou d’une grande symbolique qui permettent de penser qu’un autre monde est possible. Ils prouvent que la conscience, la véritable intelligence, l’empathie, la générosité et la persévérance sont toujours là ! Je prends quelques exemples : les partenariats scientifiques comme la station orbitale internationale et le CERN de Genève, les avancées médicales décisives comme le victoire contre l’épidémie Ebola, des accords politiques comme ceux de Vienne sur le nucléaire iranien, de Paris sur le climat, des récompenses-reconnaissances comme le Nobel de la Paix attribué cet automne à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (CIAN- ICAN), et je voudrais, je me dois de parler ici de l’adoption par l’UNESCO d’une « Recommandation concernant la Science et les chercheurs scientifiques », c’était il y a quelques semaines lors de la 39è conférence générale à l’issue de trois ans de la mise en discussion au niveau des ONG puis des Etats d’un projet d’actualisation de la recommandation de 1974 sur la condition des chercheurs, recommandation à laquelle la FMTS avait fortement contribué. Je reviendrais plusieurs fois et notamment dans le chapitre activité sur ce dossier, sur cette victoire à laquelle nous avons contribué avec d’autres bien sûr dont l’ICSU (en français CIUS-Conseil International des Unions Scientifiques, aujourd’hui appelé Conseil International pour la Science ) et la COMEST (Commission Mondiale ‘Ethique des connaissances Scientifiques et des Technologies, crée par l’UNESCO il y a près de 20 ans ) sans oublier nos organisations affiliées qui ont pesé sur leurs gouvernements et sur leurs commissions nationales UNESCO.
Cette victoire-ci comme les autres doit être concrétisée je veux dire effective, c’est-à-dire ne pas en rester au niveau des principes mais devenir un guide des politiques réellement mises en œuvres par les gouvernements. Pour ce faire il faut que les hommes et femmes s’en emparent, prennent des initiatives, interpellent soit au plan individuel (lanceur d’alerte) soit collectivement à travers les associations, ONG, partis, syndicats.
Pour terminer ce panorama des années 2010 je voudrais relever qu’effectivement ces avancées sont sans doute en cohérence avec des exigences de l’époque, des exigences quant à la liberté, le droit à la sécurité (moyens de vivre décemment, santé) qui étaient parmi les exigences des peuples qui se sont rassemblés dans diverses places des grandes villes du monde. Ces mouvements contredisaient le développement du « repli sur soi », de l’intolérance et de l’irrationnel. Même si certains ont été écrasés, d’autres dévoyés, d’autres encore qui n’ont débouché que sur des changements de têtes, je pense tout de même que des idées émancipatrices ont été semées. Mais je sais que les reculs et son cortège d’horreurs n’est jamais loin. J’ai une pensée pour certains de mes anciens élèves retournés dans leur pays, un pays dont on ne parle que très peu et qui est retourné passez-moi l’expression « à l’âge de pierre », sous les bombardements et avec la famine et les épidémies ; il s’agir du Yemen, l’ancienne « Arabie heureuse ».
II. 2. Comprendre pour mieux résister, pour trouver des solutions.
Le discours journalistique dominant est principalement ciblé sur l’évènement, le scandale, le sensationnel ; il joue sur la corde de l’émotion et non sur celle de la réflexion ; il incite beaucoup de politiques obsédés par leur cote d’opinions favorables à suivre le même chemin, à multiplier les déclarations et réactions urgentes et courtes et les effets d’annonce ; les « tweet » du président Trump en sont la caricature,
Or les tueries les plus odieuses, les noyades par milliers en Méditerranée, les attentats-suicides ne sont pas dus à la fatalité, à un quelconque phénomène physique ou ne se résument pas à la perfidie de quelques-uns et ne peuvent donc se résoudre par les seules attitudes répressives et sécuritaires. Même les catastrophes climatiques n’ont pas qu’une origine extérieure à l’activité humaine et leurs impacts sont totalement dépendants de nos choix politiques
C’est une analyse historique, globale, géopolitique qui seule peut éclairer les causes et laisser entrevoir le résolution des problèmes,
Ces évènements qui passent en boucle sur les écrans, qui font les unes des journaux et radios s’ils sont traités comme décrit précédemment génèrent la fatalité, la peur et les phobies diverses dont la xénophobie. La politique du « tweet » ne peut pas et n’a pas pour but d’indiquer un vrai remède. Les recherches véritables de solution passent par une analyse critique rationnelle qui bien souvent doit s’appuyer sur une étude historique ; les consciences évoluant sur le temps long. Ici à l’Université Cheikh Anta Diop il y a une raison supplémentaire de valoriser le poids de l’histoire, je veux dire l’histoire de toute l’humanité et pas seulement celle de l’Européen.
Je voudrais donner un exemple, figurant déjà dans mon exposé de Barcelone il y a deux ans.
Je n’avais pas supporté les propos tenus par le premier ministre français lors des débats consécutifs aux attentats de 2015-2016. Ce monsieur a dit ceci : « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » : quelle haine de la raison au pays de Voltaire et Diderot ! Je développais ainsi : il faut absolument défendre la pensée rationnelle, la pensée critique dans notre rôle de citoyen comme nous le faisons dans notre activité professionnelle. L’émotion est normale et légitime face à l’horreur mais veillons à ne pas nous laisser guider par elle dans nos choix. Cultivons la réflexion plutôt que le simple réflexe.
Alors voici ce que je disais pour tenter de comprendre les évènements, un développement historique qui ne se veut pas une position officielle de la FMTS ; elle est d’ailleurs schématique et partielle : elle n’est qu’un exemple de démarche explicative
Ces évènements sont en premier lieu le produit d’une histoire coloniale et néocoloniale; la prétention des puissances européennes dès la fin du Moyen-Age, alors que la Chine s’isole, que le monde arabo-musulman décline sous la tutelle ottomane, que les pouvoirs des sociétés précolombiennes s’écroulent rapidement, de s’accaparer les ressources naturelles et humaines du monde entier pour les besoins de l’accumulation capitaliste.
Le dix-neuvième siècle a vu l’apogée de cette prétention : à Berlin en 1885, les puissances se partageaient et dessinaient la carte politique de l’Afrique en même temps que chacune installait des comptoirs en Inde ou en Chine. Ce partage allait vite devenir conflictuel : les capitalismes ont marqué la XXè siècle par 2 guerres mondiales aux destructions sans précédent. Dans ces guerres les puissances ont entraîné les peuples colonisés en « oubliant » ensuite de les traiter comme des citoyens à part entière. Ici, à Dakar, il me fallait le rappeler ;
Le XX ème siècle, c’est aussi un effort d’émancipation sans précédent des peuples avec le volet social et le volet nationaliste : ce sont les grandes conquêtes sociales dans les pays dits « développés », c’est la fin des empires coloniaux. N’oublions pas que tout ceci n’est pas « tombé du ciel ». N’oublions pas les hommes et les femmes qui ont dit non, qui ont refusé la servitude séculaire, qui ont relevé la tête en se rassemblant en partis, syndicats et alliances diverses. Dire non-je vais prendre une formule à la mode, c’est dans l’ADN de notre fédération. Notre organisation a été fondée par des physiciens, en particulier de physique nucléaire, conscients des dangers potentiels du développement de leur savoir, qui refusaient l’utilisation militaire de certaines applications de leur savoir comme la fission nucléaire .
Je reviens à mon rapide développement historique : ces avancées furent d’ailleurs en partie facilitées par l’existence de l’Union Soviétique dont le rôle international était facteur d’équilibre et de paix même si sa politique intérieure s’écartait des idéaux initiaux de cette révolution prolétarienne d’il y a exactement cent ans.
En ce XXIè siècle, les Etats-Unis et leurs alliés prétendent décider du destin des peuples, prétendent leur offrir leur démocratie disons plutôt leur conception de la démocratie mais surtout ils continuent l’accaparement des ressources énergétiques et des matières premières. Ils interviennent militairement avec ou sans le mandat de l’ONU, directement ou via des puissances régionales subordonnées.
Cette analyse historique, je le répète, est une contribution personnelle à la recherche des causes de la crise globale dont j’ai décrit les caractéristiques précédemment voulant montrer que seule une analyse historique, globale, géopolitique peut éclairer les causes et laisser entrevoir le résolution des problèmes, sans oublier que c’est un combat politique qui conduira vers la solution.
Pour terminer sur la situation internationale, je souligne ceci :
les défis auxquels doit faire face l’ensemble de l’humanité, défi environnemental, défi démographique, défis sociaux, économiques et politiques exigent conscience, lucidité, courage, coopération tant au plan individuel que collectif : national, régional et mondial. Des régulations mondiales sont nécessaires : nous faisons des propositions pour le renforcement du pouvoir et l’élargissement des responsabilités de l’ONU : notre Groupe de Travail « Désarmement., paix et coopération » -qui se réunira mercredi après-midi comme les autres groupes- discutera, approfondira et proposera résolutions et déclarations à notre assemblée générale.
Vous avez compris que pour moi, pour nous à la FMTS, l’Education joue et devrait jouer un rôle encore plus important dans le long et difficile chemin de l’humanité vers l’âge adulte pour atteindre le temps du véritable humanisme ou de l’humanitude comme disent certains.
Comme vous le savez nous consacrerons une table ronde à « Sciences et éducation ».
J’ajouterai, à condition que notre espèce ne soit pas éliminée brutalement comme elle est en train d’en éliminer beaucoup d’autres, par l’inconséquence des humains d’aujourd’hui, de leurs représentants tout au moins.
Les avancées -je l’ai déjà dit- doivent être concrétisées. Notre travail n’est pas terminé. Sur le plan environnemental par exemple, même si les C.O.P.-Conférences des parties- sont une bonne chose ; après Paris puis Marrakech ce fut Bonn ces dernières semaines avec toujours ces bonnes intentions mais sans engagements fermes.
Comme nous l’avons déjà écrit il faudrait une responsabilité statutaire de l’ONU en la matière incluant tous les aspects des problèmes jusqu’au plan financier et de la justice dans l’accès à l’énergie par exemple. Il sera bien sûr question de cela dans la réunion du groupe de travail « énergie-climat » mercredi.
III. La situation dans le domaine de la science
III.1. La science ; son développement et son ambivalence
Depuis plus de 50 ans l’activité de recherche – quels que soient les domaines- a connu un développement sans précédent dans l’histoire de l’humanité : la littérature scientifique a « explosé », des sciences nouvelles ont émergé, des régions du monde, des pays plus nombreux participent à cette aventure fantastique ; nos connaissances ont globalement progressé et ont dans certains domaines révolutionné nos conceptions, de nouveaux paradigmes sont apparus.
Le transfert des avancées scientifiques vers l’application se fait plus rapidement ; les technologies de l’information et de la communication font des progrès foudroyants, des malades peuvent espérer survivre assez longtemps pour profiter d’une thérapie salvatrice, des matériaux nouveaux, aux propriétés exceptionnelles et des robots de plus en plus performants nous facilitent le travail et la vie .. ou pourraient le faire !
Car les retombées positives de la science sont très inégalement réparties entre les humains ; l’accès à la santé, l’accès à l’énergie, l’accès au confort sont totalement inégalitaires. Il est des écoles où il n’y a pas l’électricité ; il est des régions du monde où les malades atteints du SIDA n’ont pas accès aux trithérapies, il est même des régions du monde où le « progrès technique » signifie la possibilité de vendre un organe, de procréer et vendre un enfant à une famille aisée.
Les retombées, -ce trinôme science-technologie-activité humaine- ce sont aussi le réchauffement climatique, l’extraction sans mesure des matières premières dans toute la croûte terrestre, des agricultures industrielles qui épuisent les sols et génèrent des aliments quelquefois dangereux ; c’est aussi notamment la fabrication et l’utilisation d’armements de plus en plus dévastateurs.
On comprends pourquoi vis vis-à-vis de la science on rencontre fréquemment deux attitudes, contradictoires et également négatives, c’est d’une part comme il y a un siècle la croyance en la science sauvant l’humanité et d’autre part l’attitude inverse, la science et la technologie perçues comme des pollutions d’un ordre naturel sain. Des courants religieux –notamment aux Etats-Unis- vont même jusqu’à nier des savoirs universellement reconnus comme l’évolution, comme nombre de mécanismes biologiques. Pour résumer, d’un côté le scientisme qui postule aujourd’hui par exemple que nos chercheurs trouveront à temps la parade aux émissions de gaz à effet de serre ce qui évite de devoir affronter les multinationales du pétrole et d’un autre côté, les anti-sciences qui refusent de prendre en compte les besoins de l’ensemble de l’humanité.
Il est clair que l’activité scientifique ne se déroule pas indépendamment du contexte politique, social, économique et idéologique.
III.2. Les politiques scientifiques, la condition des chercheurs
Je persiste dans mon appréciation positive du développement quantitatif de la production de savoir ; des chiffres et une évolution du langage montrent le caractère indiscutable de cette évolution, On peut dire qu’il y autant de travailleurs scientifiques vivants qu’il y en a eu depuis le début de l’histoire humaine ; on ne les appelle plus des savants mais des chercheurs.
Cependant des points noirs sont apparus ces dernières années, notamment en Europe et en Amérique du Nord. La science, la condition de la recherche et des personnels subissent la même pression générale imposée par les multinationales et leurs relais étatiques. En ce sens notre déclaration de Nijni-Novgorod en 2013 est plus que jamais pertinente. J’en cite cet extrait : les finalités financières sont largement favorisées au détriment des finalités économiques, sociales, environnementales et culturelles. La recherche fondamentale s’en trouve sacrifiée. Les savoirs et les diplômes universitaires deviennent un enjeu marchand. La recherche n’est alors qu’un outil de parts de marché et n’est considérée intéressante par les pouvoirs politiques et économiques que par ses retombées possibles sur l’innovation. L’une des conséquences de cette évolution est la précarisation des chercheurs, particulièrement des jeunes chercheurs, phénomène qui semble s’internationaliser. Cette précarité allant de pair avec un financement sur projets n’a pas pour seule conséquence la dégradation des conditions de travail et de vie des personnes ; elle est un facteur négatif pour une recherche de qualité.
Elle génère le travail trop vite fait alors que la recherche exige du temps et de la réflexion, elle favorise le conformisme et le simple approfondissement, elle conduit à un affaiblissement de la recherche fondamentale et des sciences humaines et sociales en particulier. Je m’inscris en faux contre l’idée répandue dans les médias que l’insécurité dynamise et stimule.
Ceci s’accompagne également d’un recul de la collégialité et du renforcement du poids de la hiérarchie à tous les niveaux. Au niveau des décideurs régionaux, nationaux et supranationaux il y a les notions d’évaluation, de performance , d’excellence, de compétition qui cachent en fait la soumission aux lobbys industriels, par exemple agroalimentaires et pharmaceutiques.
On arrive au point que lorsque des chercheurs indépendants osent publier des articles alertant sur l’inutilité ou la dangerosité d’une molécule, d’un produit ou d’un traitement les industriels, les puissances économiques qui en tirent profit utilisent toutes les armes (menaces sur le financement, sur la carrière, par exemple) dont ils disposent pour faire taire ou rendre inaudible ce lanceur d’alerte.
Nous retrouvons le pourquoi de nos priorités quant aux conditions de la recherche, 3è important secteur de notre activité, pris en charge par un groupe de travail qui se réunira également mercredi après-midi. Notre « credo » est celui-ci : . Chaque scientifique doit être citoyen comme chaque citoyen doit pouvoir peser sur les politiques scientifiques. Chaque scientifique doit pouvoir disposer d’un statut qui lui permette de bien faire son métier, de se comporter en homme libre.
Ce principe est un des ressorts de notre activité, de nos grands chantiers :
- deux « campagnes » que nous avons contribué à impulser « sciences et démocratie » depuis près de dix ans et « non à la précarité » lancée il y a plus d’un an et qui a pris la forme d’une journée mondiale qui a eu lieu et qui aura lieu chaque 15 mars.
- notre contribution déjà évoquée à la réalisation de la nouvelle recommandation de l’UNESCO sur la Science et les scientifiques
IV. Les responsabilités et l’activité de la FMTS
IV.1. Notre champ d’intervention, nos axes de travail
Tout ce que je viens d’exposer, analyser, commenter valide –malheureusement, si je puis dire- notre engagement comme celui de nos organisations affiliées et des adhérents individuels.
Tout porte donc à développer l’activité des 3 groupes de travail actuels (cette Assemblée générale peut en modifier le périmètre et en créer d’autres) ciblant notamment sur
– la paix, la priorité à la négociation, le rôle à rehausser de l’ONU seule à même de s’interposer ou d’intervenir ; la destruction des arsenaux d’armes de destruction massive et la question de l’OTAN et des alliances militaires
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les migrations forcées, la question des réfugiés
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la recherche : poids du financement par les applications militaires
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l’énergie, le climat, des mesures contraignantes et un droit international à développer
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l’accès aux besoins fondamentaux : alimentation, eau, énergie,
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l’éducation publique et gratuite jusqu’à l’université, formation du citoyen autonome et critique et non seulement du travailleur-technicien
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les outils numériques, la pluralité et l’indépendance du journalisme
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les conditions de travail et de vie des travailleurs scientifiques qui garantissent l’indépendance et la qualité du travail
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la campagne anti-précarité et l’élargissement de la journée mondiale du 15 mars
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la recommandation de 2017, la faire connaître et appliquer
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le définition des priorités en recherche : par qui ? comment ?
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l’engagement des scientifiques, le droit syndical, la protection des lanceurs d’alerte
Cette liste n’est pas exhaustive, ce sont des pistes, certaines déjà bien engagées. Les groupes de travail de mercredi feront le tri ; je rappelle les intitulés des groupes qui se réuniront :
– « désarmement, paix et coopérations »
– « énergie et climat »
– « conditions de la recherche et statuts des chercheurs ».
Je rappelle des lieux importants d’intervention :
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de façon continue, l’UNESCO avec son comité de liaison UNESCO-ONG , avec ses commissions dont la commission d’éthique où nos représentants ont apporté l’image d’une FMTS sérieuse, responsable et avec un réseau vraiment mondial.
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la participation active et l’animation de séminaires et table ronde au Forum Social Mondial ainsi que dans sa déclinaison Forum mondial sciences et démocratie, moments privilégiés d’élargissement de nos relations, de diffusion de nos idées et projets (Belem en 2009, Dakar en 2011, Tunis en 2013 et 2015, Montréal en 2016),
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la participation à des congrès, à des conférences ou séminaires des organisations affiliées ou amies pour les mêmes raisons, (pour mémoire ces dernières années au Portugal, au Sénégal, en Argentine, à Cuba, en Italie, en France).
IV.3.L’organisation –le travail en interne
Nous avons réussi à mettre en œuvre, certaines totalement, d’autres partiellement (trop !), les recommandations des Assemblées générales n°20 (Paris-Marne-le-vallée) et n°21 (Moscou-Nijni-Novgorod), affinées par les Conseils exécutifs successifs:
1. Tenue mensuelle régulière des réunions du Secrétariat international.
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En ce qui concerne le Conseil exécutif, maintien d’une réunion annuelle « en présence », permettant dialogues, relations plus étroites et construction « à chaud » de positions communes
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Élaboration et diffusion rapide des comptes rendus des instances
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Rédaction de la lettre de al FMTS mais irrégulièrement,
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La modernisation et la mise à jour régulière de notre site Web
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Equilibre financier obtenu par des cotisations plus nombreuses et plus élevées.
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Organisation et vie régulière des groupes de travail avec animateurs et liste de diffusion
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Investissement de chacun des membres du Conseil exécutif dans un groupe de travail.
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L’expression des affiliés (organisations et individuels) dans notre lettre et dans notre site
Ainsi la FMTS a été présente et visible dans des lieux et sur des thèmes très variés.
Mais, à la différence d’autres ONG, nous ne sommes pas un état-major soutenu financièrement par une fondation ou travaillant sur contrat avec telle ou telle institution et disposant des moyens de financer des activités de terrain. Nous sommes une fédération d’organisations nationales (syndicats ou associations) préexistantes, qui ne sont donc pas des branches de la FMTS. Tout repose sur la bonne volonté, la persuasion et la confiance. Nous devons réussir à intégrer la problématique des organisations affiliées dans nos débats et nos publications comme vous, organisations affiliées –qui êtes accaparées par les tâches quotidiennes de défense des collègues, de leurs missions et de leurs droits – devriez penser à intégrer des contributions de la Fédération dans vos publications. Une circulation renforcée d’informations entre nous tous est donc une étape nécessaire
IV.4. Les rapports des groupes de travail
1. Le groupe «désarmement, paix et coopérations »
▪ Le GT1 préparé le texte concernant la Réforme de l’ONU adopté par le Conseil exécutif de Barcelone en mai 2015. Le but est d’arrêter une position de la FMTS sur quelques points essentiels : 1) la responsabilité des alliances régionales et particulièrement l’OTAN, 2) la composition du Conseil de sécurité, 3) le droit de véto, 4) les sanctions et le droit d’ingérence. Le document demande aussi que les agences économiques, FMI, Banque mondiale et OMC soient placées sous l’autorité effective de l’ONU.
▪ D’autre part, le GT1 a suivi attentivement, [avec les aides vigilantes de Seiji et Frederico] les travaux des Nations unies concernant l’interdiction de l’arme nucléaire : ces travaux ont abouti à la la Convention du 7 juillet, signée par 122 États. Les attendus de la convention stipulent que « la plupart des pays du monde ne voit plus les armes nucléaires comme un moyen légitime de la guerre ». C’est certainement l’un des événements les plus importants, de la période récente, même si les États qui possèdent l’arme nucléaire ne l’ont pas signé.
▪ Enfin tâche de plus longue haleine, le GT1 a commencé à s’informer sur la question des armes autonomes qui sont une application militaire des techniques de l’intelligence artificielle. La communauté scientifique ne peut pas rester indifférente à ce qui se passe dans ce domaine.
▪ Nous avons aussi eu quelques contacts avec nos amis du Bureau international d la paix qui concentre leur attention sur la création d’un « agenda d’action » en vue de « Démilitariser pour un climat de paix ». Mais faute de disponibilité les choses en sont restées à une déclaration de bonnes intentions
2. Le groupe « énergie et climat »
Depuis le « CRI » , lancé par la FMTS il y a 3 ans sur le changement climatique qui avait pour sous-titre « redéfinir les relations êtres humains-planète et celles des humains entre eux », et publié dans la lettre n°7 de la FMTS puis l’appel mis au point lors du C.E. de Minsk « pour une transition énergétique urgente, juste et solidaire », le groupe « Energie Climat » a lancé une réflexion sur plusieurs aspects : d’abord quelles solutions urgentes et raisonnées sont indispensables pour faire décroître rapidement et significativement les GES ? Puis, que met-on dans la valise « transition énergétique » ? Enfin, quels sont les obstacles si solides que les Etats sont impuissants ou inefficaces à tenir les engagements qu’ils ont signés à la COP 21 ?
Car si la conscience universelle de la gravité des conséquences du changement climatique pour tous a progressée, l’urgence à inverser cette évolution – qui pour l’instant nous mènerait vraisemblablement à la catastrophe globale – ne conduit pas à des solutions radicales, loin s’en faut.
La COP 23 a été un écho de ce problème notamment grâce à l’appel de 15.000 scientifiques du monde entier.
Le groupe observe que son travail est encore trop limité à quelques personnes ; il faut trouver les moyens de surmonter les difficultés à échanger et communiquer internationalement.
3. Le groupe « conditions de la recherche et statuts des chercheurs ».
▪ Activité 1 : la participation à la mise à jour par l’Unesco de la recommandation concernant la science et les chercheurs scientifiques. La Fédération et plusieurs organisations ont proposé des amendements. La 39ème Conférence Générale vient d’adopter cette recommandation qui considère la science comme un bien commun au delà des intérêts particuliers.
La recommandation établit aussi le lien entre l’importance croissante des activités scientifiques dans l’activité humaine et le besoin de soutenir le personnel scientifique, sa protection, sa reconnaissance, sa formation et sa responsabilité. Ce document servira de repère à la communauté scientifique et aux forces progressistes. La FMTS et ses organisations affiliées agiront pour sa promotion auprès des scientifiques et des populations et ainsi peser sur les décideurs
▪ Activité 2 : la campagne anti-précarité ; la croissance du nombre de chercheurs dans le monde s’accompagne de la privatisation de l’activité scientifique et de la précarisation croissante des scientifiques, particulièrement chez les jeunes et les femmes. Face à cela, la Fédération a initié en 2016 le lancement d’une campagne contre la précarisation dans la recherche en convergeant vers une journée Mondiale qui s’est tenue le 15 mars 2017. Cette campagne a permis la tenue d’actions dans un certain nombre de pays d’Europe en Espagne, en France, au Portugal, ici même au Sénégal , en Algérie, au Canada et en Russie. Nous étions conscients de la difficulté à mettre en mouvement toutes les organisations de scientifiques mais la réussite de cette journée et la poursuite de cette précarisation croissante nous confortent dans la nécessité de poursuivre cette campagne.
▪ Un projet : en étroite collaboration avec notre groupe UNESCO nous porposons à celle-ci de bâtir un forum international sur la Science en 2018 (voir ci-après).En dernier lieu, nous impulsons la tenue du forum international sur la science en 2018 confirmé par le Comité de liaison des Ong de l’Unesco. Ce forum nous permettra d’approfondir les transformations scientifiques technologiques en cours telles que la généralisation du numérique dans les activités humaines, l’imposition du management privé, du court-termisme et de l’innovation sur la recherche fondamentale. Il nous permettra aussi d’échanger sur les représentations de la science parmi les populations et les besoins de connaissance posés à l’Humanité pour garantir son avenir.
4. Le groupe « UNESCO » DAKAR UNESCO
La participation de la FMTS aux travaux de l’UNESCO s’est poursuivie positivement en 3 directions
1 : La mise à jour de la Recommandation de 1974, concernant la condition des chercheurs scientifiques soumise à nos OA , a produit plusieurs amendements qui ont été retenus. La nouvelle Recommandation a été adoptée par la 39ème conférence générale de l’UNESCO le 10 novembre 2017.( cf documents du gr3) . Les liens entretenus avec les responsables de cette question à l’UNESCO ont certainement pesé dans le résultat final qui est très positif.
2 : La 1ère étape du projet de formation d’hydrologues et techniciens et techniciennes de l’eau en Afrique, projet que la FMTS a initié, a été réalisée avec succès : 14 stagiaires de Côte d’Ivoire, de la République Démocratique du Congo et de Madagascar, à parité femmes-hommes , ont été formés à l’institut « 2iE » au Burkina Faso, Ce projet a été financé par le Programme de participation de l’UNESCO. La 2ème étape est en cours de réalisation, elle concernera de 20 à 30 stagiaires de 6 pays:Tchad, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso, Togo, Niger. Ce projet est pour nous la mise en pratique de l’idée que nous portons dans les Forums internationaux UNESCO-ONG « Passer de la parole aux actes. »
3 : En mars 2016, la FMTS a proposé à l’UNESCO la tenue d’un Forum international sur la science. Nous avons proposé des thèmes au Comité de liaison UNESCO-ONG. Celui-ci a pris la décision formelle d’organiser cet événement. Nous en sommes au stade de la mise en place d’un comité de pilotage au sein duquel aura lieu le débat de fond sur son contenu. La date envisagée est septembre ou octobre 2018. La recherche du lieu de sa tenue est en cours. C’est une décision qui appartient à l’UNESCO. Des pourparlers ont été entamés pour qu’il se tienne en Russie. Des précisions se trouvent dans les dossiers qui vous ont été remis.
V. Les tâches de cette 22è Assemblée Générale
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Réaliser de bonnes réunions durant toute la semaine donnant la parole aux experts et au maximum de participants. Le secrétariat international, la commission d’organisation et le bureau parisien ont préparé méticuleusement, ont invité très largement, ont sollicité des interventions : votre présence nombreuse en atteste et est de bonne augure pour une riche moisson d’analyses et de propositions.
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Que cette richesse motive la rédaction ou sinon l’ébauche de déclarations, lettres et appels de note Assemblée
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A partir des exposés et des débats de cette semaine, dégager des priorités pour notre activité au cours des 4 ans qui viennent, fixer comme on dit aujourd’hui la feuille de route comportant des projets, des initiatives à la pertinence telle qu’elles seront soutenues et relayées par les organisations affiliées et bien au delà de la Fédération..
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Cette assemblée est un congrès électif ; elle doit procéder au renouvellement de ses instances. Nul doute qu’avec les fiches-questionnaires renvoyées par les organisations et grâce à la participation la meilleure depuis 20 ans, nous bâtirons des équipes déterminées, pluralistes et bien représentatives
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Nous allons étudier finement le bilan que j’ai dressé sommairement dans le chapitre 3 en étudiant les difficultés et s’atteler à les surmonter : en particulier le site et les listes de diffusion, la lettre qui devrait être régulière et nourrie par les organisations membres.
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Impliquer systématiquement – comme nous l’avons fait cette année- les membres du Conseil exécutif dans la mise au point des déclarations, lettres ouvertes, communiqués. Ce qui associe les organisations à nos travaux, dans un souci démocratique et dans un souci d’efficacité pour porter notre parole le plus largement possible.
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Avoir le souci de notre élargissement par notre présence dans les congrès, conférences et forums FMTS et par le développement de l’adhésion individuelle également,
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Entretenir des liens avec les associations, réseaux et fédérations syndicales internationales ; avec les mouvements conjoncturels comme la « marche pour la science » , l’ »appel des 15 000 »
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Il serait bon de faire une première étude des lieus et dates des prochains conseils exécutifs
C’est sur ces propositions non exhaustives que je termine ce tour d’horizon un peu long.
J’assume cette longueur, je la justifie par la double fonction de cette Assemblée comme celle de notre Conseil exécutif annuel. Notre réunion est tout d’abord l’instance législative de notre fédération qui construit la politique, le mandat pour 4 ans et élit l’exécutif chargé de la mise en œuvre mais elle est aussi un moment et un lieu privilégié de présentation « en direct » de ce que nous sommes, de ce que nous faisons devant des collègues qui y participent pour la première fois.
Merci de votre attention et bons travaux.
Je vous invite tous –puisque c’est une initiative publique, ouverte à tous, à participer au symposium qui se tiendra demain ici même et commencera à 9h30 ; le thème en est « Science et développement durable pour l’Afrique et par l’Afrique ».
Jean-Paul Lainé, 26 novembre 2017