Frédéric Joliot-Curie

A l’occasion du 125ème anniversaire de sa naissance

Frédéric Joliot-Curie

Un homme intègre, un scientifique éminent, une figure unique dans la lutte pour la Paix
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
 François Rabelais (1484-1533)

Les origines, la naissance et la mort
Le 19 mars 1900, naît à Paris celui qui se révélera tout au long de sa vie comme une figure exceptionnelle par la contribution qu’il apportera à l’avancement des connaissances scientifiques, ainsi que par son dévouement à la cause de la Paix, en tant que citoyen engagé dans la défense des valeurs humanistes opposées aux applications perverses de la science comme instrument de domination, d’agression, de destruction et de mort.

Frédéric Joliot-Curie – enregistré sous le nom de Jean Frédéric Joliot – est décédé le 14 août 1958 à Paris. Des funérailles nationales, comme deux ans plus tôt celles de sa compagne Irène Curie, sont décrétées par Charles de Gaulle, alors président du Conseil de ministres du gouvernement français. Pendant deux jours le cercueil a été déposé dans la cour d’honneur de la Sorbonne, ouverte au public. Le troisième jour, des soldats de la Garde nationale ont transporté le cercueil à travers les rues de Paris jusqu’au cimetière de Sceaux où son corps repose à côté de celui de son épouse, près de l’endroit où reposent les restes de Marie et de Pierre Curie que furent plus tard transférés au Panthéon National. Au moment de l’adieu, à l’entrée du cimetière, à côté de l’urne, John Desmond Bernal [1] prononça les paroles suivantes : « Joliot fut, plus que tout autre, celui qui rappela aux hommes de science, par son exemple plus que par sa parole, la justesse du vieux dicton de Rabelais : « Science sans conscience n’est que la ruine de l’âme. » Cette conscience est aujourd’hui largement éveillée, on la retrouve chez les scientifiques (…) La tragédie de Joliot est réelle, mais c’est une noble tragédie. C’est précisément parce qu’il a vécu à une époque troublée que sa véritable grandeur a été révélée. Il est devenu par son travail, par son courage, un exemple qui reste vivant de que l’homme peut toujours surmonter les difficultés les plus difficiles et combattre les maux les plus atroces. Le nouveau monde, beau et heureux, dont il a rêvé, l’humanité le construira sûrement, et même plus tôt que nous ne le pensons aujourd’hui, même si la mort nous l’ait enlevé de nous à l’apogée de son génie et même si nous devons le pleurer comme savants ou comme amis, il ne nous est pas permis de trouver dans sa mort une défaite de son esprit. Il ne l’aurait jamais admis. Il a vécu consciemment pour l’avenir. » 

Jean Frédéric Joliot (1948). Studio Harcourt

Frédéric Joliot — Fred, comme on l’appelait à la maison — est né dans une famille nombreuse. Son père, Henri Joliot, d’origine ouvrière, avait combattu dans les rangs des révolutionnaires de la Commune de Paris (1871) dont le souvenir perdure dans le temps comme la première tentative, prématurée et éphémère de constituer une République populaire. Noyés dans le sang, certains qui ont réussi à s’échapper ont été contraints de s’expatrier et ne sont revenus que des années plus tard. Henri Joliot (1847-1921) fut l’un d’entre eux. Il s’installe à Paris et épouse en 1879 la mère de Frédéric, Marie Emilie Roederer (1858-1946), une jeune Alsacienne née dans la région frontalière française avec l’Allemagne – l’Alsace-Lorraine – qui a été en grande partie par les Allemands selon les termes de l’accord de paix qui a mis fin à la guerre franco-prussienne (1870-1871). Marie Emilie, alors âgée de 21 ans, était née dans une famille alsacienne, protestante, républicaine et libérale. Le couple a eu six enfants, dont le dernier est Frédéric Joliot. Élevé dans une famille totalement non religieuse, Frédéric Joliot n’a jamais fréquenté aucune église et a été un athée convaincu toute sa vie.

Ces paroles sont de lui : « La mort n’est rien, si les autres pensent comme moi, ils retrouveront la trace que j’ai laissée, donc j’y suis toujours. ». Frédéric Joliot-Curie est mort d’une insuffisance hépatique attribuée à une surexposition aux radiations, qui aurait également joué un rôle décisif dans la mort d’Irène et de Marie Curie.

Les premiers pas sur les chemins de la Science
À l’âge de 20 ans, Frédéric Joliot postule et est accepté, avec 33 autres sur 430 candidats, à l’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de la ville de Paris. L’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle (ESPCI), créée par décision du Conseil municipal en 1882, n’était pas n’importe quel établissement d’enseignement supérieur et l’avenir le montre.[2] L’orientation du jeune Frédéric est confiée au professeur Paul Langevin, ami proche de Marie Curie, et figure majeure de la science française. Dans le choix de sa nouvelle école, plus proche de la figure d’une école polytechnique que d’une Faculté, la situation familiale avait pesé dans la balance. La famille traverse des difficultés économiques qui s’aggravent avec la mort de son père, Henri Joliot, en 1921.Bien que Frédéric s’oriente vers la recherche fondamentale, la proximité de l’École avec les applications d’intérêt industriel, comme son nom l’indique, laisse penser que le jeune Joliot pourrait rapidement trouver dans le monde du travail un poste qui lui permettrait de subvenir aux besoins de sa famille. De plus, à l’école, non seulement il n’y avait pas de frais de scolarité, mais des bourses étaient accordées aux étudiants. Contrairement à ce qui se passait à l’époque à la faculté des sciences, où les étudiants n’avaient pas accès aux laboratoires, à l’école de physique et de chimie industrielle, les deux tiers du temps d’enseignement se passaient dans les laboratoires, ce qui plaisait particulièrement à Frédéric Joliot. D’une manière générale, les étudiants ont reçu une formation de haut niveau, régulièrement mise à jour, privilégiant le travail de laboratoire dans un esprit de non-spécialisation, ce qui « les prédispose surtout à maintenir le lien entre la recherche scientifique et ses applications techniques. Cela me semble important—dit Joliot—à notre époque, où toutes les réalisations de la science pure, même les plus abstraites, passent presque immédiatement dans le domaine des applications. » À l’été 1923, Frédéric Joliot quitte l’École, après avoir terminé sa formation en physique — l’option choisie — en tant que « majeur » de son cours, c’est-à-dire : le meilleur de sa classe. Entre-temps, pendant les vacances d’été, entre la deuxième et la troisième année de cursus, Joliot a vécu une nouvelle expérience : il a effectué un stage dans une usine métallurgique au Luxembourg. Ce fut une expérience importante pour lui qui, compte tenu de sa façon d’être, a facilement noué et contracté des amitiés qui n’étaient pas toujours éphémères. Une expérience dont il se souviendra souvent : « Je plongeais d’un coup dans des occupations ou les problèmes sociaux intervenaient. Les ingénieurs stagiaires vivaient avec les ouvriers. Ils avaient les mêmes horaires de travail, le même salaire, les mêmes habitations. J’écoutais et je discutais ».

S’ensuit le service militaire, d’environ un an : école d’artillerie, puis service des gaz de combat. A l’issue du service militaire, le choix d’une carrière se posera. Frédéric Joliot et Pierre Biquard, camarades de classe, liés par une solide amitié qui durera toute leur vie, discutent du sujet depuis des mois. Tous deux sont à la recherche d’un avenir lié à la recherche, mais ils savent qu’il y a peu de places qui s’ouvrent sur cette voie et des salaires modestes – incomparablement inférieurs aux salaires de l’industrie. Quand, à ce moment-là, la possibilité de bénéficier d’une bourse Rothschild se présente, la décision est vite prise. À l’automne 1924, Biquard décida d’expliquer, au nom des deux, à Paul Langevin, leur superviseur, leur désir commun.

Paul Langevin (1872-1946)
Marie Curie (1837-1934) c.1920

La réation de Langevin est cependant décourageante : « Pour une carrière universitaire, vous avez une infériorité ; vous n’êtes pas « normaliens »[3]. Cela constituera pour vous, dans l’état actuel de l’Université, un sérieux handicap… Pour vous imposer, il faudrait que vous fassiez des travaux vraiment exceptionnels ».

La vérité est que, quelque temps plus tard, ils sont tous deux convoqués par le professeur pour leur annoncer que Marie Curie et lui-même les acceptent comme préparateurs [4], Joliot dans le laboratoire Curie et Biquard dans l’École qui les avait formés. Joliot comparaît devant Marie Curie le 21 novembre 1924, en uniforme, car il n’a pas encore accompli ses obligations militaires. “Je la vois, ici, à son bureau, petite, les cheveux gris, les yeux très vifs. J’étais assis devant elle, en costume d’officier, et j’étais très intimidé. Elle m’écouta, et me demanda brusquement : « Pouvez-vous commencer votre travail demain ?” Il me restait trois semaines de service à accomplir. Elle décida : “ J’écrirai à votre colonel. » Le lendemain, je devenais son préparateur particulier. ”  La plus proche collaboratrice de Marie Curie, titulaire de la chaire d’études sur la radioactivité et directrice du Laboratoire Curie, est sa propre fille, Irène, alors chef de travaux. Ainsi se voit scellé le destin de Frédéric Joliot, comme il le rappellera lui-même plus tard.

Irène Curie, de trois ans l’aînée de Frédéric Joliot, travaillait avec sa mère depuis 1916, Quand Joliot entre au laboratoire Curie, il rencontre une Irène, déjà avec un important curriculum scientifique, à la veille de soutenir une thèse de doctorat sur le rayonnement alpha du polonium, sur laquelle elle travaillait depuis environ deux ans. Le doctorat eut lieu en mars 1925. Le jeune « préparateur », n’ayant alors qu’un diplôme d’ingénieur, commence à travailler assidûment et quotidiennement avec la jeune docteure. Les relations qui se tissent, malgré ou peut-être à cause de cela même, entre deux collègues de travail aux tempéraments et aux manières d’abordage très différents, vont aboutir à un désir d’union entre eux, dont Irène informe sa mère. L’engagement devient officiel en juin 1926. Irène et Frédéric se marient à Paris le 9 octobre ; mariage civil, sans cérémonie religieuse. L’union a été heureuse sur le plan personnel et aussi, pour les deux, extrêmement fertile sur le plan scientifique.  À la mort d’Irène, Joliot écrit dans une lettre à une vieille amie : « J’ai perdu à la fois la femme que j’aimais de tout mon être, une compagne de travail exceptionnelle et aussi un peu une mère. »

Entre deux guerres
Lorsque Joliot entre à l’Institut du Radium, le laboratoire dirigé par Marie Curie, et commence à travailler, la question se pose au sujet de son futur statut au sein de la communauté académique puisque Fred était, comme nous l’avons dit, un simple ingénieur, bien que formé dans une école d’excellence, mais déconnecté de l’université. Ce qui n’aurait pas eu d’importance si son destin, comme il l’avait prévu, eu été l’industrie. Sa disposition avait cependant définitivement changé. Joliot n’avait même pas le diplôme final de l’enseignement secondaire, appelé en France baccalauréat. Sans cela, une carrière de chercheur et d’enseignement dans l’enseignement supérieur, une maîtrise et le doctorat, seraient impossibles dès le départ. Marie Curie exige alors que Frédéric retourne à l’école —qu’on appellerait le lycée — et qu’il se présente aux examens finaux de l’enseignement secondaire aux côtés de nombreux jeunes élèves, pour lui, des gamins, qu’il y rencontrerait. Il l’a fait, comme on pouvait s’y attendre, rapidement et avec succès. Et presque immédiatement, pour ainsi dire, dans le même souffle, il obtient immédiatement un diplôme — en France, une License — et devient bachelier. Malgré cela, n’étant issu ni d’une école normale supérieure ni de la Sorbonne, « le jeune ingénieur reste pendant longtemps étranger à son nouvel environnement ». En 1927, à peine trois ans après son admission à l’Institut du Radium, Joliot publie son premier travail sous la forme d’une Note dans les Annales de l’Académie des Sciences de France. La Note traitait d’une nouvelle méthode d’étude du dépôt électrolytique d’éléments radioélectriques. La radioactivité et la physique nucléaire sont restées tout le long de sa vie un thème central de l’activité scientifique de Frédéric Joliot, une situation comparable à celle d’Irène avec qui il a travaillé et avec qui il a parfois collaboré, à cette époque, sous la direction sereine et intelligente de Marie Curie. Et, en ce qui concerne Joliot, dans un certain sens et dans une large mesure, furent aussi le fil conducteur de son activisme politique et social.

Les années qui suivent sont des années d’activité fébrile du couple Irène-Frédéric aboutissant à des résultats scientifiques exceptionnels. Pendant trois ans, Irène et Frédéric Joliot travaillent ensemble, publiant de nombreux articles : 5 publications ensemble ; seuls, quatre pour Irène, 8 pour Frédéric, y compris sa thèse de doctorat, ou, avec d’autres collaborateurs, respectivement 2 et 1. S’ensuit une période très productive, entre 1932 et 34, au cours de laquelle ils s’engagent ensemble dans le programme de recherche qui aboutira à la découverte de la radioactivité artificielle, qu’ils viennent à annoncer publiquement en janvier 1934. La découverte, qui leur vaudra le prix Nobel de chimie, est remis aux deux, en 1935.

Irène et Frédéric Joliot-Curie dans son laboratoire en 1935

Les portes du monde académique s’ouvrent alors officiellement pour les deux. Frédéric enseigne à la Faculté des sciences à la Sorbonne et Irène succède à Marie Curie, décédée en 1934, à la tête du Laboratoire Curie. Il y a lieu de penser que la découverte de la radioactivité artificielle, largement médiatisée à l’époque, et objet d’attention dans les milieux gouvernementaux, a été décisive dans la création en avril 1933 d’un Conseil supérieur de la recherche scientifique à la suite d’une pétition du physicien Jean Perrin, prix Nobel de physique en 1926, signée par 80 scientifiques, dont 8 lauréats du prix Nobel. La science française a porté ses fruits et a permis d’espérer d’importantes contributions au développement économique et social du pays. Joliot rejoint la campagne de Jean Perrin pour la défense de la définition d’une politique scientifique nationale et pour l’augmentation des salaires des travailleurs scientifiques.

L’année 1934 fut, en France, une année de turbulences et d’agitations sociales exceptionnelles. Dans l’Allemagne voisine, Adolf Hitler avait été nommé chef du gouvernement en janvier 1933. En mars, grâce à une série de manœuvres habiles, il se voit accorder des pouvoirs dictatoriaux par le Parlement allemand. En France, l’extrême droite fasciste s’agite. Le 6 février 1934, des groupes de droite, d’extrême droite et d’anciens combattants organisent à Paris une violente manifestation qui fait 19 morts et plus de 1000 blessés. Cet événement a un impact considérable sur la communauté des professeurs et des chercheurs travaillant au Quartier latin, endroit où se trouvent les plus importants établissements d’enseignement supérieur et scientifique de France à l’époque. Le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) est créé, dont Paul Langevin, sympathisant communiste, est l’un des promoteurs. Frédéric Joliot est présent à la fondation du Comité et fait partie des signataires, avec Irène Curie, de l’« Appel des intellectuels contre le fascisme », rendu public le 12 mars. Joliot a adopté l’activisme politique et social comme complément nécessaire à son travail scientifique. En 1935, quelques mois avant qu’il ne reçoive le prix Nobel, Irène Curie, qui n’a jamais adhéré au Parti communiste français (PCF) mais dont la vision de la société et du monde est très proche de celle de Frédéric, écrit un article stigmatisant l’état d’abandon de la recherche scientifique française, alors que les dépenses militaires sont si importantes, et l’incapacité du système économique à satisfaire les besoins élémentaires. Elle écrit : « Ce système d’échange s’étant révélé incompatible avec la distribution des biens de première nécessité fournis en abondance par le travail humain, il doit disparaître. L’économie de l’avenir ne peut être fondée sur le profit (…). L’URSS nous montre qu’un système économique fondé uniquement sur l’intérêt collectif est un système viable ».

En 1936, une coalition politique de gauche – le « Front populaire » – est créée en France en vue des prochaines élections législatives. Le Front comprend le Parti radical, la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et le Parti communiste. Le Front populaire, qui obtient la majorité absolue des sièges parlementaires, forme quatre gouvernements entre juin 1936 et avril 1938. Tous auront le soutien du PCF, bien qu’il ne participe à aucun d’entre eux. Joliot a joué un rôle important dans les efforts du Front populaire pour établir une barrière contre le nazi-fascisme en France. Irène Curie est invitée et accepte le poste de sous-secrétaire d’État à la recherche scientifique. Irène accepte à contrecœur, « par devoir et fidélité à ses convictions féministes », à une époque, il faut le souligner, où les femmes n’ont pas encore le droit de vote. Elle ne restera que peu de temps à ce poste, car elle souhaite ardemment retourner à son laboratoire. En attendant, la création du sous-secrétariat d’État est en fait le premier résultat de l’engagement de scientifiques progressistes, Paul Langevin, Jean Perrin et Marie Curie elle-même, en faveur d’une politique scientifique.

En 1936, le déclenchement de la guerre en Espagne a entraîné une radicalisation des positions, y compris au sein de la communauté scientifique progressiste. Frédéric Joliot et Francis Perrin, fils de Jean Perrin, signent dans le journal « La Commune » une pétition pour la défense de l’Espagne républicaine et contre la politique de non-intervention adoptée par le gouvernement français.  En cette année de 1936, la militance du couple Joliot-Curie en faveur de la paix et contre le fascisme s’approfondit. Irène participe au Comité international des femmes contre le fascisme et la guerre ; Frédéric est un membre actif de l’Union universelle pour la paix, fondée à Genève en mai par l’Anglais Cecil Howard et le Français Pierre Cot. En France, il entre à la direction du Cercle des Nations, présidée par Jean Perrin, branche de l’Union.

Entre 1936 et 1939, année où éclate la guerre qui va ravager l’Europe pendant cinq ans, les progrès scientifiques dans le domaine de la radioactivité et de la physique nucléaire furent surprenants. En France, au Royaume-Uni, en Italie et en Allemagne, notamment, la structure du noyau atomique est progressivement dévoilée. La découverte du neutron, confirmée en 1932, est l’œuvre de chercheurs travaillant dans trois pays différents : le premier pas est fait en 1928 par les physiciens allemands Walter Bothe et son élève Herbert Becker. Le couple Joliot-Curie et l’Anglais James Chadwick scellent la découverte en 1932. La découverte du neutron a été la clé de ce qui allait suivre : la preuve expérimentale de la fission nucléaire à la fin de l’année 1938, là encore grâce aux efforts conjugués de chercheurs travaillant dans différents pays. L’expérience décisive et son interprétation théorique sont l’œuvre des chimistes allemands Otto Hahn et Fritz Strassmann, de la physicienne autrichienne Lise Meitner et du physicien allemand Otto Frisch. Peu après, en 1939, à Paris, un groupe dont fait partie Frédéric Joliot montre que la fission du noyau d’uranium provoquée par la capture d’un neutron s’accompagne d’une énorme libération d’énergie et donne lieu à l’émission de plus d’un neutron. Cela permet d’établir une réaction nucléaire en chaîne. La voie est ouverte pour l’utilisation future de l’énergie nucléaire, pour le meilleur ou pour le pire. À l’époque, la menace nazie conduit Joliot et son équipe à tenter de fabriquer un explosif nucléaire. Des expériences sont menées, mais la guerre les interrompt.

La guerre et la résistance
Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie envahit la Pologne. La tragédie qui ne s’achèvera qu’en août 1945 a commencé. La France est envahie en juin 1940 et le 14 juillet, les forces allemandes entrent dans Paris. Frédéric Joliot, qui, en janvier 1940, s’était déclaré, comme beaucoup d’autres scientifiques, prêt à travailler pour la défense nationale, décide d’abandonner les recherches dans lesquelles il s’était engagé et se concentrer sur son enseignement au Collège de France. Il y est contraint par la présence et la surveillance de l’occupant. Joliot et ses plus proches collaborateurs savent qu’en Allemagne, des physiciens allemands travaillent également dans le plus grand secret pour créer les conditions favorables à l’établissement d’une réaction nucléaire en chaîne. Avant septembre 1939, les gouvernements français ne semblaient pas considérer la science et le travail scientifique comme un instrument de progrès, un facteur crucial du développement économique, social et culturel du pays. Mais la situation avait changé et on peut peut-être dire que l’invasion de la Pologne par les nazis fût un catalyseur de l’ouverture politique qui a conduit à la création du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, en octobre 1939, à laquelle Joliot fût directement lié. La plupart des plus proches collaborateurs de Frédéric Joliot décide d’émigrer, de même que d’éminents scientifiques travaillant en Allemagne et en Italie qui trouvent aux États-Unis ou au Royaume-Uni des conditions pour poursuivre leurs travaux. Joliot, lui, décide de rester. Habilement, il réussit à obtenir des autorités militaires allemandes la permission de garder son laboratoire ouvert au Collège de France et de le maintenir sous sa direction, tout en cédant à la demande d’accueillir une équipe de physiciens allemands particulièrement intéressés par l’exploitation des possibilités de travail offertes par les équipements existants, notamment le cyclotron que Joliot avait installé dans le laboratoire. La voie qu’il avait suivie précédemment —aboutir à un explosif nucléaire — est désormais impossible. Il réoriente son activité de recherche vers le domaine de la radiobiologie – l’étude de l’action des rayonnements sur les êtres vivants, en mettant l’accent sur les effets biologiques de la radioactivité. C’est un domaine qui l’a toujours intéressé et dont la nécessité d’explorer la physique de la désintégration de l’uranium l’a conduit à s’éloigner. Sous l’occupation, Joliot revient à la biologie. Il importe de dire que, à peine trois semaines avant l’entrée des forces allemandes dans Paris, Joliot et ses plus proches collaborateurs avaient réussi à faire sortir de Paris un important stock d’eau lourde acquis en Norvège, alors seul producteur connu, environ 8 tonnes d’oxyde d’uranium et une tonne de graphite, destinés au projet de mise au point d’un explosif nucléaire sur lequel ils travaillaient. [5]

Pendant ce temps, la résistance française à l’occupant nazi s’organise. Au printemps 1941, à l’initiative du Parti communiste français, le Front national unitaire et clandestin se constitue pour lutter pour la libération et l’indépendance de la France. Paul Langevin et Frédéric Joliot sont contactés et rejoignent le mouvement. Joliot deviendra plus tard président du Front national. Peu après, est créé le Front national universitaire, une branche du premier, qui cherche à organiser la résistance dans les milieux universitaires. Joliot, l’une des figures dominantes de cette branche, sera membre de sa direction. L’arrestation par la Gestapo en 1941 de Paul Langevin, le prestigieux physicien qui lui avait ouvert les portes du monde de la recherche, fut un choc profond pour Joliot et ses collègues et proches collaborateurs. Joliot réagit avec la vigueur de son caractère et le courage qu’on lui reconnaissait : il informe le commandement allemand qu’il fermerait immédiatement son laboratoire et mettrait fin à son activité d’enseignement. En fait, les Allemands montrait un réel intérêt à connaître les résultats des recherches qui avaient été menées dans le laboratoire dirigé par Frédéric Joliot, et c’est pour cette raison qu’ils avaient accepté de le maintenir en activité. Leur principal intérêt était de savoir où ils en étaient dans l’utilisation de l’énergie libérée par la fission nucléaire. Peu de temps après, Langevin est libéré. Le laboratoire rouvre ses portes et Joliot reprend ses activités d’enseignant.

Les fréquentes visites d’officiers allemands au laboratoire font l’objet de spéculations dans les milieux académiques, où certains s’interrogent sur leur signification et remettent en cause la position de Frédéric Joliot par rapport à l’occupant nazi. Pendant ce temps, le laboratoire continue d’être fréquenté par des étudiants qui viennent chercher aide et conseil auprès du maître et de ses collaborateurs. Les Allemands les voient et écoutent leurs conversations. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le laboratoire, à l’abri des regards, a été secrètement transformé en atelier où sont fabriqués et soigneusement dissimulés des mines et autres engins explosifs, des matières incendiaires, des émetteurs et récepteurs radio… destinés aux groupes de résistants clandestins qui tentent d’épuiser les forces allemandes dans toute la France occupée en coupant les voies ferrées, en faisant sauter des trains, etc. Déguisés, de jour comme de nuit, les étudiants qui fréquentaient le laboratoire sortaient avec le matériel par une porte de service qui donnait sur une rue latérale. Selon certaines sources, il y aurait eu 18 laboratoires de « recherche » à Paris qui, l’un après l’autre, auraient été transformés de la même manière pour soutenir ceux qui combattaient l’armée nazie sur le terrain. Quand on parle de « Résistance » en France, on parle aussi de tout cela. Au printemps 1942, les armées nazies avancent sur le front de l’Est et pénètrent profondément en Russie. Frédéric Joliot adhère au Parti communiste français et approfondit sa contribution à la Résistance. Au début de l’année 1944, les risques qu’il prend augmentent. Au printemps de cette année-là, il décide de passer à la clandestinité. Alors qu’il est encore dans la légalité, il parvient à organiser l’évasion de son professeur et ami Paul Langevin vers la Suisse, évitant ainsi la menace imminente d’arrestation et de déportation qui pesait également sur Joliot lui-même. Irène Curie et les enfants du couple avaient déjà réussi à se réfugier dans le pays voisin, dont le statut de neutralité serait maintenu pendant tout le conflit. Dans la clandestinité, Joliot participe activement à la préparation de l’insurrection parisienne qui a lieu le 19 août. Dans les rues et sur les places de Paris, les résistants affrontent les blindés allemands à coups de grenades et de « cocktails Molotov » fabriqués dans des laboratoires clandestins comme celui que Joliot avait installé au Collège de France. Des combats acharnés se déroulent pendant sept jours dans les rues de Paris. Le 25, les forces allemandes cèdent. Paris est libéré le 25 août. Le même jour, les troupes américaines entrent dans Paris, précédées par les divisions militaires de la France libre.

L’arme atomique et le mouvement pacifiste
A partir du milieu des années 30, la menace que représente la prise de pouvoir d’Adolf Hitler et la montée du nazisme en Allemagne conduisent à repenser le rôle de la science et des scientifiques dans la nouvelle situation. En France, Joliot et de nombreux autres scientifiques, physiciens et chimistes, en particulier, ont compris qu’il était nécessaire de reconsidérer l’orientation de leurs travaux en tenant compte de ce qu’ils savaient de ce qui se passait chez leurs collègues allemands, notamment lorsque la preuve expérimentale du phénomène de la fission nucléaire a été apportée. Ce sont des hommes et des femmes qui, en 1936, avaient activement participé et contribué à la création du Front populaire contre le nazi-fascisme. C’étaient des partisans de la paix et de la transformation sociale dans l’intérêt des travailleurs et du peuple. Ils se sont retrouvés dans une situation qui les a amenées à considérer la nécessité d’orienter leur travail pour contribuer par tous les moyens à la lutte armée que la situation exigeait. C’est ce qu’ils se sont efforcés de faire, tout en sachant que beaucoup d’entre tomberaient au bord du chemin, comme cela s’est produit. Une crise de conscience similaire et la nécessité de prendre position dans les nouvelles conditions se sont également produites chez plusieurs de leurs collègues britanniques et, dans ce contexte, il est important de souligner le fait que des amitiés se sont solidifiées entre les deux côtés de la Manche et que des relations de collaboration fructueuses ont été établies. Aux États-Unis, les travaux sur le projet dit de Manhattan ont commencé en 1939. L’objectif prioritaire était, comme en France, d’explorer la fission nucléaire afin de créer un engin explosif. De l’autre côté de l’Atlantique, les travaux des physiciens allemands ne passent pas inaperçus, notamment en raison des activités des espions américains en Allemagne. Les États-Unis entrent en guerre en décembre 1941. Le projet Manhattan, d’une dimension humaine, matérielle et financière colossale, aboutit à la première explosion nucléaire le 16 juillet 1945, quelque part au Nouveau-Mexique. Les 6 et 9 août, l’armée de l’air américaine a largué une bombe nucléaire à l’uranium et une bombe nucléaire au plutonium sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki respectivement, entraînant la mort immédiate d’environ 200 mil personnes. Ces événements peuvent être décrits comme un deuxième et un troisième test de l’arme nucléaire en vue d’évaluer ses effets destructifs en situation réelle, sur un théâtre de guerre, d’où leur importance politique et militaire. Cette atrocité ne peut être justifiée comme étant nécessaire pour mettre à genoux le Japon qui était sur le point de se rendre. Rappelons les mots de Nelson Mandela, prix Nobel de la paix en 1993: « Ces bombes ne visaient pas les Japonais : elles visaient l’Union soviétique pour lui dire : regardez, voici notre puissance et si vous osez vous opposer à nous, voilà ce qui vous arrivera» [6]. Les explosions d’Hiroshima et de Nagasaki ont eu un impact profond sur de larges pans de l’opinion publique mondiale, notamment au sein de la communauté scientifique qui avait contribué à rendre possible la libération explosive de l’énergie atomique. En particulier, de nombreux scientifiques qui, face à la montée de la menace nazi-fasciste, ont cherché à devancer les Allemands en explorant la possibilité d’exploiter la fission nucléaire à des fins militaires.  Frédéric Joliot fait partie de ce dernier groupe.[7] Joliot n’était pas seulement un pacifiste, il était aussi un communiste et un militant infatigable dans la défense des valeurs auxquelles il croyait. C’est pourquoi il est à l’origine du projet de lancement d’un appel universel qui est entré dans l’histoire sous le nom d’Appel de Stockholm. Daté du 19 mars 1950, le texte de l’appel est bref mais incisif : « Nous exigeons l’interdiction absolue de l’arme atomique, arme d’épouvante et d’extermination massive des populations. Nous exigeons l’établissement d’un rigoureux contrôle international pour assurer l’application de cette mesure d’interdiction. Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait, contre n’importe quel pays, l’arme atomique, commettrait un crime contre l’humanité et serait à traiter comme criminel de guerre. Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel. » Joliot est le premier signataire. On estime à plus de 200 millions le nombre de signatures recueillies dans le monde. L’Appel a été lancé à Stockholm lors de la réunion du Congrès du Mouvement mondial des partisans de la paix, que peu après donnerait naissance au Conseil mondial de la paix. Lors du premier congrès de ce dernier, en février 1951, Frédéric Joliot se voit confier la présidence du Conseil mondial de la paix.

Conseil Mondial de la Paix, Berlin, 1952
Roger Rössing / Renate Rössing -Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 de

Il faut dire qu’il y a un sentiment d’urgence derrière le lancement de l’Appel de Stockholm, qui est lié à la décision de Truman, successeur de Roosevelt, prise à peine un mois et demi plus tôt, en janvier, de lancer la fabrication d’une bombe thermonucléaire – la bombe à hydrogène – contre l’avis du célèbre physicien Oppenheimer et de la majorité des membres du conseil consultatif qu’il présidait. Oppenheimer l’a qualifiée d’« instrument génocide ». Enrico Fermi, qui a travaillé sur le projet Manhattan, et Rabin, autre physicien de renom, écrivent une lettre au président des États-Unis pour dénoncer le fait que « la simple existence d’une telle bombe constitue un danger pour l’ensemble de l’humanité » ; Einstein déclare à la presse que « la disparition de la vie sur terre devient une possibilité technique ». Malheureusement, la guerre froide est devenue une réalité.

Naissance de la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques
Les nuages sombres apportés par la prise de pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne ont conduit à un approfondissement et, dans une certaine mesure, à une modification de la qualité des relations entre pairs au sein des communautés scientifiques de France et du Royaume-Uni. Comme nous l’avons vu plus haut, entre les deux rives de la Manche, des relations de collaboration fructueuses ont été établies, reléguant au second plan la question de l’affirmation des priorités dans la paternité de l’acquisition de nouvelles connaissances. Joliot prône une « science ouverte », affirmant que « toute tentative de limitation ou d’arrêt de la diffusion des informations scientifiques représente-t-elle un danger extrêmement grave pour le progrès de la science et de la civilisation ». Ce n’était évidemment pas le cas dans le domaine atomique. La position de Joliot est partagée par bon nombre de scientifiques. En février 1946, lors d’une réunion internationale à Londres réunissant des scientifiques de neuf pays, Joliot donne une conférence ayant comme sujet « La Science et le bien-être de l’Humanité ». Le débat qui s’ensuit fait naître l’idée de la création d’une organisation internationale de scientifiques. C’est ainsi qu’est née la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques, dans laquelle le terme « travailleur scientifique » succède à la forme anglaise « scientific worker » pour désigner les hommes de science. L’assemblée constitutive de la nouvelle organisation a lieu en juillet, suivie trois jours plus tard par la première réunion d’un comité exécutif au cours de laquelle Frédéric Joliot est élu président. À ses côtés, John Desmond Bernal, le célèbre physicien irlandais, est vice-président, et l’anglais Roy Innes est secrétaire général, fonction qu’il occupait également au sein de l’Association britannique des travailleurs scientifiques (AScW). L’AScW et l’Association française des travailleurs scientifiques, créée en 1944, furent les piliers sur lesquels reposa la FMTS. Lors de la première assemblée générale de la FMTS (Prague 1948), environ 80 % des membres provenaient des deux pays. Les années qui suivirent, jusqu’en 1952, furent des années difficiles pour Frédéric Joliot qui est resté un défenseur intransigeant de la coexistence pacifique entre les puissances qui avaient combattu ensemble l’Allemagne nazie, désormais antagonistes, divisés en deux camps, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France d’un côté, l’Union soviétique de l’autre. À partir de cette année-là, la direction soviétique a permis aux scientifiques russes de se rapprocher de la Fédération mondiale.  Les scientifiques américains restent pour l’essentiel à l’écart. [8]

En France, après la libération, Charles de Gaulle préside le Gouvernement provisoire de la République (1945-1946) [9]. En octobre 1945, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) est créé. Frédéric Joliot, qui dirige alors le CNRS, est nommé Haut-commissaire à l’énergie atomique. Au CEA est donné comme mission la recherche scientifique et technique ayant en vue l’utilisation de l’énergie nucléaire dans divers domaines d’activité, sans exclure la défense nationale. [10] En avril 1950, pour des raisons politiques, Joliot est démis de ses fonctions par le gouvernement du démocrate-chrétien Georges Bideau. Il retourne alors dans son ancien laboratoire du Collège de France où il se retrouve avec la recherche scientifique et la formation de cadres, son dévouement profond.

Après le départ de Joliot, le CEA intensifie ses travaux sur les applications militaires de l’énergie atomique. Bien que le gouvernement n’ait pas encore officiellement décidé de construire une bombe atomique, tout est mis en œuvre pour en acquérir les moyens. Premier signataire de l’appel de Stockholm, Joliot se consacrera jusqu’à la fin de sa vie à la cause de la paix et, simultanément, aux tâches de direction de la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques, à son expansion et à son rayonnement au sein de la communauté scientifique et de la société en général.

Vers la fin de sa vie, il a écrit : « Victor Hugo disait :  … la science va sans cesse se raturant elle-même. Ratures fécondes… La science est une échelle… La poésie est un coup d’aile… Un chef-d’œuvre artistique est une fois pour toutes… Dante n’efface pas Homère ». « Le chef-d’œuvre artistique a certes un caractère plus immuable que la création scientifique, mais je suis convaincu que les mobiles qui conduisent l’artiste et le savant, ainsi que les qualités de pensée et d’action exigées, sont les mêmes. La création scientifique à ses plus hauts sommets est aussi un coup d’aile… l’artiste et le savant se rejoignent ainsi pour créer, sous toutes leurs formes, la Beauté et le Bonheur, sans lesquels la vie ne serait que mornes mouvements. « L’homme de science est comme l’ouvrier ou l’artiste qui bâtissaient les cathédrales. Ceux-ci participaient à une œuvre qui, parfois, nécessitait le travail de plusieurs générations, sans que cela diminuât leur ardeur et leur amour pour l’œuvre dont ils ne pouvaient pas voir l’aboutissement. (…) La science donne à celui qui la sert de grandioses perspectives ; c’est une œuvre à laquelle le savant contribue chaque jour sans avoir le vain désir d’en voir lui-même l’achèvement. »

Frederico Carvalho

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 L’auteur a largement utilisé comme sources les ouvrages suivants : Michel Pinault, « Frédéric Joliot-Curie », Éditions Odile Jacob, Paris, 2000, et Marianne Chaskolskaia, « Frédéric Joliot-Curie », Éditions MIR, Moscou, 1968

Le premier est basé sur une thèse rédigée sous la direction du professeur Antoine Prost et soutenue en mars 1999 à l’Université de Paris, Panthéon Sorbonne

Note OTC : une version courte de cet article a été puliée en portugais dans la revue « O Militante », nº395 mars/avril 2025, pp.48-54.

Composition graphique : OTC, Portugal
Version originale portugaise : https://otc.pt/wp/2025/06/07/frederic-joliot-curie/

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[1] John Desmond Bernal (1901-1971), membre de la Royal Society (FRS), 7est un scientifique irlandais qui a été le premier à utiliser la cristallographie aux rayons X en biologie moléculaire. Il est l’auteur d’un vaste corpus d’ouvrages sur l’histoire des sciences. Parmi les plus remarquables, le monumental ouvrage en quatre volumes « Science in History » est obligatoire pour quiconque s’intéresse au parcours historique de l’humanité sur les chemins de la connaissance scientifique. Bernal a également écrit des ouvrages de vulgarisation sur science et société. Il était militant communiste et membre du parti communiste de Grande-Bretagne.
[2] L’école existe toujours aujourd’hui et on prend note des informations suivantes :
La recherche à l’ESPCI Paris est centrée sur la physique, la chimie et la biologie. Elle emploie environ 550 personnes, dont 300 chercheurs et enseignants-chercheurs et environ 200 doctorants répartis sur 10 unités de recherche associées au CNRS ou à l’Inserm. Avec une production scientifique d’environ 450-500 publications par an, l’École génère plus d’un brevet par semaine et 2 à 3 start-ups sont créées chaque année depuis 10 ans.
[3] Le terme désigne les étudiants des Écoles normales supérieures. Ils sont nommés chaque année par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, bénéficient du statut de fonctionnaire stagiaire et sont soumis à un régime d’études spécifique fixé par les établissements. Ils sont rémunérés par l’État pendant leurs études en échange d’un engagement décennal qui les oblige à travailler pendant 10 ans dans la fonction publique. La loi prévoit un remboursement en cas de non-respect de cet engagement.
La clause dite « engagement décennal », du statut de l’Université Napoléon Ier (1806), a été établie dans sa forme actuelle par le décret du 28 novembre 1962, qui précise que cet engagement concerne l’ensemble de la fonction publique, et non plus seulement les postes d’enseignants comme auparavant. Le décret fixe également les mesures encourues en cas de violation de cet engagement.
[4] Les fonctions du « préparateur » seraient comparables à celles d’un technicien et d’un assistant de recherche.

[5] En 1944, après plusieurs tentatives de commandos britanniques et norvégiens pour détruire l’usine de production en Norvège, il a été possible de couler un ferry-boat transportant vers l’Allemagne tout le stock d’eau lourde existant.

[6] https://otc.pt/wp/2022/08/04/a-ameaca-nuclear/
[7] Albert Einstein, alors réfugié aux États-Unis et pacifiste reconnu, croyant que le gouvernement allemand soutenait activement la recherche dans ce domaine, a envoyé la fameuse lettre à Roosevelt, alors président, demandant au gouvernement américain de faire le même.
[8] On vivait alors aux États-Unis les années McCarthy (1950-54)
(https://en.wikipedia.org/wiki/Joseph_McCarthy#:~:text=After%20three%20largely%20undistinguished%20years,employed%20in%20the%20State%20Department )
[9] Le gouvernement issu des élections législatives d’octobre 1945 comprend cinq ministres communistes. C’est sous ce gouvernement que les femmes obtiennent pour la première fois le droit de vote.

[10] L’équipe de Joliot est à l’origine de la construction du premier réacteur nucléaire français, Zoé, un réacteur de recherche à eau lourde (1948)
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