Recommandation concernant la condition des chercheurs scientifiques

Descriptif : Cette recommandation a été adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO lors de sa 18ème session en novembre 1974.

La Conférence générale – I. Champ d’application II. Les chercheurs scientifiques et l’élaboration de la politique nationale III. L’éducation et la formation initiales des chercheurs scientifiques IV. La vocation du chercheur scientifique V. Conditions de réussite des chercheurs scientifiques VI. Utilisation et mise en oeuvre de la présente recommandation VII. Clause Finale

La Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), réunie à Paris du 17 octobre au 23 novembre 1974, à l’occasion de sa dix-huitième session, Rappelant qu’aux termes du dernier paragraphe du Préambule de son Acte constitutif, l’UNESCO cherche à atteindre, en favorisant la coopération des nations dans le domaine de la science (entre autres), les buts de paix internationale et de prospérité commune de l’humanité en vue desquels l’Organisation des Nations Unies a été constituée, et que sa Charte proclame,

Considérant les termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, en particulier de son article 27.1, qui proclame que toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent,

Reconnaissant :

a. Que les découvertes scientifiques et les innovations et applications technologiques qui y sont liées ouvrent d’immenses perspectives de progrès qui résultent en particulier de l’utilisation la plus efficace de la science et des méthodes scientifiques pour le bien de l’humanité et pour contribuer à la préservation de la paix et à la réduction des tensions internationales mais peuvent, en même temps, présenter certains dangers qui constituent une menace, surtout au cas où les résultats des recherches scientifiques sont utilisés contre les intérêts vitaux de l’humanité pour la préparation de guerres de destruction massive ou pour l’exploitation d’une nation par une autre, et en tout état de cause, poser des problèmes éthiques et juridiques complexes,

b. Que, pour faire face à cette situation, les Etats membres devraient mettre en place ou concevoir des mécanismes pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques scientifiques et technologiques adéquates, c’est-à-dire de politiques qui viseraient à éviter les dangers éventuels et à tirer pleinement parti des aspects positifs des découvertes scientifiques et des innovations et applications technologiques,

Reconnaissant également :

a. Qu’un noyau de personnes de talent et convenablement formées constitue la pierre angulaire de la capacité d’un pays à la recherche et au développement expérimental et est indispensable pour l’utilisation et l’exploitation des recherches effectuées ailleurs,

b. Que la libre communication des résultats, des hypothèses et des opinions, comme le suggère l’expression « libertés académiques », se trouve au cœur même du processus scientifique et constitue la garantie la plus solide de l’exactitude et de l’objectivité des résultats scientifiques,

c. La nécessité d’un appui adéquat et d’un équipement indispensable pour le déroulement de la recherche et du développement expérimental, Constatant que, dans toutes les parties du monde, cet aspect du processus politique revêt de plus en plus d’importance pour les Etats membres ; tenant compte des initiatives intergouvernementales indiquées dans l’annexe de la présente recommandation, initiatives qui témoignent de l’importance croissante que les Etats membres attachent au rôle de la science et de la technologie dans la solution de divers problèmes mondiaux sur un plan international large, ce qui renforce la coopération entre les nations et favorise le développement de celles-ci ; et persuadée que ces tendances prédisposent les Etats membres à prendre des mesures concrètes en faveur de la mise en oeuvre et de la poursuite de politiques scientifiques et technologiques adéquates, Convaincue qu’une telle action gouvernementale peut favoriser de façon considérable la création de conditions de nature à stimuler et renforcer l’aptitude propre à chaque pays à assurer la recherche et le développement expérimental avec une conscience accrue de la responsabilité qu’ils impliquent à l’égard de l’homme et de son environnement,

Estimant que, parmi ces conditions, l’une des plus importantes doit être d’assurer à ceux qui se consacrent effectivement à des travaux de recherche et de développement expérimental en science et technologie, une condition équitable tenant dûment compte des responsabilités inhérentes à ces travaux et des droits nécessaires pour les mener à bien,

Considérant que la recherche scientifique suppose des conditions de travail particulières et, de la part des chercheurs scientifiques, un sens élevé de leurs responsabilités à l’égard de leur travail, de leur pays et des idéaux et objectifs des Nations Unies, et que, par conséquent, les membres de cette profession doivent jouir d’une condition appropriée,

Convaincue que l’état actuel de l’opinion dans les gouvernements, dans les milieux scientifiques et dans le grand public fait que le moment est venu pour la Conférence générale de formuler des principes de nature à guider les Etats membres désireux d’assurer une condition équitable aux chercheurs,

Rappelant qu’à cet égard de nombreux et importants travaux ont déjà été menés à bonne fin tant en ce qui concerne les travailleurs en général qu’en ce qui concerne les chercheurs scientifiques en particulier, notamment dans les instruments internationaux et autres textes cités dans le présent préambule et dans l’annexe de la présente recommandation,

Consciente que le phénomène généralement désigné sous le nom de « Brain Drain » (ou « captation de la matière grise ») des chercheurs scientifiques a causé de grandes inquiétudes dans le passé et continue de préoccuper vivement certains Etats membres ; ayant, à cet égard, présents à l’esprit les besoins primordiaux des pays en voie de développement ; et désireuse en conséquence de donner aux chercheurs scientifiques de plus fortes raisons de travailler dans les pays et dans les régions qui ont le plus besoin de leurs services, Convaincue que la condition des chercheurs scientifiques pose, dans tous les pays, des problèmes qu’il faudrait aborder dans le même esprit et qui exigent, autant que possible, l’application de normes et de mesures communes que la présente recommandation a pour but de définir, Tenant cependant pleinement compte, dans l’adoption et l’application de cette recommandation, de la grande diversité des lois, des réglementations et des coutumes qui, dans les différents pays, déterminant la structure et l’organisation de la recherche et du développement expérimental dans le domaine de la science et de la technologie,

Souhaitant, pour ces raisons, compléter les normes et recommandations figurant dans les lois, règlements et usages de chaque pays, ainsi que dans les instruments internationaux et autres documents mentionnés dans ce préambule et dans l’annexe de la présente recommandation, par des dispositions ayant trait aux problèmes qui intéressent directement les chercheurs scientifiques,

Saisie, aux termes du point 26 de l’ordre du jour de la session, de propositions concernant la condition des chercheurs scientifiques, Ayant décidé, lors de sa dix-septième session, que ces propositions devraient prendre la forme d’une recommandation aux Etats membres, Adopte la présente recommandation ce vingtième jour de novembre 1974. La Conférence générale recommande aux Etats membres d’appliquer les dispositions ci-après en adoptant, sous forme de loi nationale ou autrement, des mesures en vue de donner effet dans les territoires sous leur juridiction, aux principes et aux normes énoncés dans cette recommandation.

La Conférence générale recommande que les Etats membres signalent cette recommandation à l’attention des autorités, institutions et entreprises chargées de faire des travaux de recherche et de développement expérimental et d’en appliquer les résultats, ainsi qu’à l’attention des diverses organisations qui représentent ou défendent les intérêts des chercheurs scientifiques agissant collectivement et à celle des autres parties intéressées.

La Conférence générale recommande que les Etats membres lui fassent rapport, aux dates et de la manière qu’elle déterminera, sur la suite qu’ils auront donnée à cette recommandation.

I. CHAMP D’APPLICATION

1. Au sens de la présente recommandation :

a. (i) Le mot « science » désigne l’entreprise par laquelle l’homme, agissant individuellement ou en groupes, petits ou grands, fait un effort organisé pour découvrir et maîtriser au moyen de l’étude objective de phénomènes observés la chaîne des causalités ; rassemble les connaissances ainsi acquises, en les coordonnant, grâce à un effort systématique de réflexion et de conceptualisation, qui s’exprime souvent en grande partie sous forme de symboles mathématiques ; et se donne ainsi la possibilité de tirer parti de la compréhension des processus et phénomènes qui se produisent dans la nature et dans la société.(ii) L’expression « les sciences » désigne un ensemble de faits et d’hypothèses pouvant faire l’objet de constructions théoriques normalement vérifiables ; elle englobe dans cette mesure les sciences ayant pour objet les faits et phénomènes sociaux.

b. Le mot « technologie » désigne les connaissances qui ont un rapport direct avec la production ou l’amélioration des biens et des services.

c. (i) L’expression « recherche scientifique » désigne les processus d’étude, d’expérimentation, de conceptualisation et de vérification qu’implique la genèse du savoir scientifique, telle qu’elle est décrite aux alinéas 1.a(i) et 1.a(ii) ci-dessus. (ii) L’expression « développement expérimental » désigne les processus d’adaptation, d’essai et de mise au point qui permettent l’application pratique.

d. (i) L’expression « chercheurs scientifiques » désigne les personnes chargées d’explorer un domaine particulier de la science ou de la technologie. (ii) Sur la base des dispositions de la présente recommandation, chaque Etat membre peut définir les critères (tels que diplôme, grade ou titre scientifique, fonction) de l’appartenance à la catégorie des personnes reconnues comme chercheurs scientifiques ainsi que les exceptions admises par rapport à ces critères.

e. Le mot « condition », appliqué aux chercheurs scientifiques, désigne la position qu’on leur reconnaît dans la société compte tenu d’une part du degré de considération attribué aux devoirs et responsabilités de leurs fonctions ainsi qu’à la compétence avec laquelle ils s’en acquittent, d’autre part des droits, des conditions de travail, de l’aide matérielle, et de l’appui moral dont ils jouissent dans l’accomplissement de leur mission.

2. La présente recommandation s’applique à tous les chercheurs scientifiques quels que soient :

a. La personnalité juridique de leur employeur ou le type d’organisation ou d’établissement au sein duquel ils travaillent ;

b. Leur spécialisation scientifique ou technologique ;

c. Les considérations qui motivent les travaux de recherche scientifique et développement expérimental auxquels ils se consacrent ;

d. La nature de l’application à laquelle ces travaux de recherche scientifique et développement expérimental ont trait le plus directement.

3. Cette recommandation n’est applicable aux chercheurs scientifiques qui font des travaux de recherche scientifique et développement expérimental à temps partiel, que pendant les périodes et dans les contextes où ils exercent cette activité.

II. LES CHERCHEURS SCIENTIFIQUES ET L’ELABORATION DE LA POLITIQUE NATIONALE

4. Chaque Etat membre devrait s’efforcer de mettre les connaissances scientifiques et technologiques au service de l’amélioration du bien-être culturel et matériel de ses ressortissants, et d’oeuvrer en faveur des idéaux et objectifs des Nations Unies. A ces fins, chaque Etat membre devrait se doter du personnel, des institutions et des mécanismes nécessaires pour élaborer et mettre en oeuvre des politiques scientifiques et technologiques nationales visant à orienter les efforts de recherche scientifique et de développement expérimental de manière à atteindre les objectifs nationaux tout en faisant une place suffisante à la science même. Par la politique qu’ils adoptent à l’égard de la science et de la technologie, par la façon dont ils les utilisent pour élaborer leurs décisions de politique générale, et notamment par leur attitude à l’égard des chercheurs scientifiques, les Etats membres devraient démontrer que les activités scientifiques et technologiques ne sont pas de celles qui doivent s’exercer dans l’isolement, mais qu’elles s’inscrivent dans l’effort global des nations pour constituer une société plus humaine et vraiment juste.

5. A tous les échelons appropriés de la planification nationale en général, et de la planification dans le domaine de la science et de la technologie en particulier, les Etats membres devraient :

a. Traiter le financement public de la recherche scientifique et du développement expérimental comme une forme d’investissement qui, par la force des choses, n’est généralement profitable qu’à long terme ;

b. Prendre toutes les mesures voulues pour que l’opinion publique soit constamment tenue informée de la justification, voire même de la nécessité de ces dépenses.

6. Les Etats membres devraient faire tous leurs efforts pour traduire en termes de politiques et pratiques internationales la conscience qu’ils ont de la nécessité d’appliquer la science et la technologie dans de nombreux domaines dont l’intérêt dépasse les frontières de leur territoire, à savoir des problèmes aussi vastes et complexes que la sauvegarde de la paix internationale et l’élimination de la misère ainsi qu’à d’autres problèmes ne pouvant être efficacement résolus qu’à l’échelle internationale, tels que : surveillance et prévention en matière de pollution, prévision météorologique et prévision sismique.

7. Les Etats membres devraient ménager aux chercheurs scientifiques la possibilité de participer à l’élaboration des orientations de la politique nationale de recherche scientifique et de développement expérimental. En particulier, chaque Etat membre devrait faire en sorte que cette élaboration s’appuie sur des procédures appropriées faisant appel aux avis et au concours des chercheurs scientifiques et de leurs organisations professionnelles.

8. Chaque Etat membre devrait instituer des procédures adaptées à ses besoins pour garantir que, dans l’exécution des travaux de recherche scientifique et de développement expérimental bénéficiant de l’aide des pouvoirs publics, les chercheurs scientifiques s’acquittent de leur tâche à l’égard de la collectivité tout en jouissant de l’autonomie appropriée à l’exercice de leurs fonctions et au progrès de la science et de la technologie. Il convient de tenir pleinement compte du fait que la politique scientifique nationale devrait favoriser l’activité créatrice des chercheurs scientifiques en respectant scrupuleusement l’autonomie et la liberté de la recherche qui sont nécessaires au progrès scientifique.

9. Compte tenu des objectifs ci-dessus et en veillant à respecter le principe de la liberté de circulation des chercheurs scientifiques, les Etats membres devraient s’attacher à créer le climat général voulu, et prendre des mesures propres à apporter aux chercheurs scientifiques le soutien et l’encouragement moral et matériel nécessaires, afin :

a. Que des jeunes gens de valeur soient suffisamment attirés par la profession de chercheur scientifique et y voient des perspectives de carrière et une sécurité d’emploi suffisantes pour que l’effectif du personnel scientifique et technologique de la nation puisse se renouveler constamment et de façon adéquate ;

b. Que, dans la population, se constitue et se développe comme il convient un corps de chercheurs scientifiques qui se considéreront et seront considérés, par leurs collègues du monde entier, comme des membres de la communauté scientifique et technologique internationale dignes de nom ;

c. De favoriser la création d’une situation propre à fournir à la majorité des chercheurs scientifiques ou des jeunes gens qui aspirent à le devenir les motivations nécessaires pour oeuvrer au service de leur pays et pour y revenir s’ils vont acquérir à l’étranger une partie de leur éducation, de leur formation ou de leur expérience.

III. L’EDUCATION ET LA FORMATION INITIALES DU CHERCHEUR SCIENTIFIQUE

10. Les Etats membres ne devraient pas perdre de vue que, pour être efficace la recherche scientifique exige des chercheurs qui l’accomplissent des qualités d’intégrité et de maturité alliées à d’éminentes qualités morales et intellectuelles.

11. Pour favoriser la constitution d’un corps de chercheurs scientifiques de cette valeur, les Etats membres devraient notamment :

a. Faire en sorte que tous leurs ressortissants, sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de condition économique ou de naissance, jouissent de la même possibilité d’acquérir une éducation et une formation initiales qui les rendent aptes à la recherche scientifique et que tous ceux qui ont acquis cette aptitude jouissent de la même possibilité d’accès aux emplois existants dans la recherche scientifique ;

b. Encourager l’esprit de dévouement au service de la communauté, qui constitue un élément important de cette éducation et de cette formation.

12. Dans toute la mesure compatible avec l’indépendance appropriée dont doivent jouir les éducateurs, les Etats membres devraient apporter leur soutien à toutes les initiatives éducatives destinées à encourager le développement de cet esprit et consistant par exemple :

a. A incorporer dans les programmes et cours ayant trait aux sciences exactes et naturelles et à la technologie, des éléments de sciences sociales et de sciences de l’environnement, ou les développer s’ils y figurent déjà ;

b. A mettre au point et appliquer des techniques éducatives de nature à susciter et stimuler des qualités et attitudes d’esprit personnelles telles que :

(i) Le désintéressement et l’intégrité intellectuelle ;

(ii) L’aptitude à examiner un problème ou une situation non seulement en conservant le sens de la perspective et de la proportion mais aussi en tenant compte de toutes ses incidences humaines ;

(iii) L’aptitude à percevoir les incidences civiques et éthiques de problèmes exigeant l’acquisition de connaissances nouvelles et qui, à première vue, peuvent sembler n’avoir qu’un caractère techniques ;

(iv) La promptitude à entrevoir les conséquences sociales et écologiques probables et possibles des activités de recherche scientifique et de développement expérimental ;

(v) La disposition à communiquer avec les autres, non seulement au sein des milieux scientifiques et technologiques, mais aussi en dehors, ce qui implique la disposition à travailler en équipe et avec des travailleurs d’autres professions.

IV. LA VOCATION DU CHERCHEUR SCIENTIFIQUE

13. Les Etats membres devraient garder présent à l’esprit le fait que l’on peut puissamment renforcer le sentiment de leur vocation chez les chercheurs scientifiques en les encourageant à considérer qu’ils travaillent au service tant de leurs compatriotes que de toute l’humanité. Par leur façon de traiter les chercheurs scientifiques et par l’attitude qu’ils adoptent à l’égard de ceux-ci, les Etats membres devraient s’efforcer d’exprimer leur encouragement aux travaux de recherche scientifique et de développement expérimental exécutés dans un tel esprit de service rendu à la collectivité.

L’aspect civique et éthique de la recherche scientifique

14. Les Etats membres devraient s’efforcer de promouvoir des conditions telles que les chercheurs scientifiques puissent, avec l’appui des pouvoirs publics, avoir la responsabilité et le droit : a. De travailler dans un esprit de liberté intellectuelle à rechercher, expliquer et défendre la vérité scientifique telle qu’ils la perçoivent ;

b. De contribuer à fixer les buts et les objectifs des programmes auxquels ils se consacrent et à la détermination des méthodes à adopter, qui devraient être conformes à leur responsabilité humaine, sociale et écologique ;

c. De s’exprimer librement sur la valeur humaine, sociale ou écologique de certains projets et, en dernier ressort, de cesser d’y participer si telle est la conduite que leur dicte leur conscience ;

d. De contribuer de façon positive et constructive à la science, à la culture et à l’éducation dans leur propre pays ainsi qu’à la réalisation des objectifs nationaux, à l’amélioration du bien-être de leurs compatriotes et à la réalisation des idéaux et objectifs internationaux des Nations Unies ;

étant entendu que les Etats membres devraient, lorsqu’ils emploient des chercheurs scientifiques, préciser de manière aussi rigoureuse et étroite que possible les cas dans lesquels ils jugent nécessaire de ne pas se conformer aux principes énoncés aux alinéas a et d ci-dessus.

15. Les Etats membres devraient prendre les mesures appropriées pour inciter tous les autres employeurs de chercheurs scientifiques à tenir compte des recommandations figurant au par. 14.

L’aspect international de la recherche scientifique

16. Les Etats membres devraient reconnaître que les chercheurs scientifiques se trouvent de plus en plus fréquemment dans des situations où les travaux de recherche scientifique et de développement expérimental qu’ils exécutent ont une portée interna-tionale ; et ils devraient s’efforcer de les aider à exploiter ces situations dans l’intérêt de la paix, de la compréhension et de la coopération internationales et du bien-être de l’humanité dans son ensemble.

17. Les Etats membres devraient, en particulier, soutenir dans toute la mesure du possible les initiatives que prennent les chercheurs scientifiques pour essayer de mieux comprendre les facteurs dont dépendent la survie et le bien-être de l’humanité dans son ensemble.

18. Chaque Etat membre devrait mettre à profit les connaissances, le travail et l’idéalisme de ceux de ses ressortissants qui sont des chercheurs scientifiques, surtout ceux de la jeune génération, afin de contribuer aussi généreusement que ses ressources le lui permettent à l’effort de recherche scientifique et technologique déployé dans le monde. Les Etats membres devraient être disposés à recevoir tous les avis et toute l’aide que les chercheurs scientifiques peuvent leur apporter pour des efforts de développement socio-économique qui contribuent à affermir une culture authentique et la souveraineté nationale.

19. Afin que toutes les potentialités du savoir scientifique et technologique soient rapidement mises au service de tous les peuples, les Etats membres devraient inviter instamment les chercheurs scientifiques à ne pas perdre de vue les principes énoncés aux paragraphes 16, 17 et 18.

V. CONDITIONS DE REUSSITE DES CHERCHEURS SCIENTIFIQUES

20. Les Etats membres devraient :

a. Ne pas perdre de vue que l’intérêt public, ainsi que celui des chercheurs scientifiques, exige qu’un appui moral et une aide matérielle soient accordés à ces chercheurs afin de leur permettre d’exercer avec succès leur activité de recherche scientifique et de développement expérimental ;

b. Reconnaître qu’à cet égard ils assument en tant qu’employeurs de chercheurs scientifiques, une responsabilité primordiale qui devrait les inciter à donner l’exemple aux autres organismes non gouvernementaux qui emploient de tels chercheurs ;

c. Insister auprès de tous les autres employeurs de chercheurs scientifiques pour qu’ils assurent à ces chercheurs des conditions de travail satisfaisantes, notamment en ce qui concerne l’ensemble des dispositions de la présente section ;

d. Faire en sorte que les chercheurs scientifiques jouissent de conditions de travail et de rémunération à la mesure de leur condition et de leurs états de service sans discrimination en raison de leur sexe, langue, âge, religion ou origine nationale.

Perspectives et possibilités adéquates de carrière

21. Les Etats membres devraient élaborer, de préférence dans le cadre d’une politique nationale d’ensemble concernant la main-d’œuvre, des politiques d’emploi qui répondent de façon adéquate aux besoins des chercheurs scientifiques, notamment :

a. En offrant aux chercheurs scientifiques qu’ils emploient directement des perspectives et des possibilités de carrière suffisantes sans toutefois qu’elles se situent nécessairement dans les domaines de la recherche scientifique et du développement expérimental exclusivement ; et en encourageant les employeurs non gouvernementaux à faire de même ;

b. En s’efforçant au maximum de planifier les activités de recherche scientifique et développement expérimental de telle sorte que les chercheurs scientifiques ne soient pas soumis, simplement de par la nature de leur travail, à des tribulations qui puissent être évitées ;

c. En envisageant la possibilité de prévoir les fonds nécessaires pour faciliter la réadaptation et le reclassement professionnel des chercheurs scientifiques pourvus d’un emploi permanent au titre même de la planification de la recherche scientifique et du développement expérimental, surtout, mais non exclusivement, lorsqu’il s’agit de programmes ou de projets conçus pour une durée limitée ; toutefois, s’il se révèle impossible d’agir ainsi, il doit être recouru à des arrangements en vue d’assurer une compensation appropriée ; d. En offrant aux jeunes chercheurs scientifiques la possibilité de faire des travaux de recherche scientifique et développement expérimental intéressants, selon leurs aptitudes.

Formation continue

22. Les États membres devraient chercher par des encouragements à obtenir que :

a. Comme les autres catégories de travailleurs confrontés à des problèmes analogues, les chercheurs scientifiques aient la possibilité de mettre à jour leur savoir dans leur spécialité et les domaines voisins, en assistant à des conférences, en bénéficiant de la liberté d’accès aux bibliothèques et aux autres sources d’information et en suivant des cours pour améliorer leurs connaissances ou se perfectionner sur le plan professionnel ; et que les chercheurs scientifiques aient également la possibilité, si cela est nécessaire, de se recycler afin de pouvoir entrer dans une autre branche de l’activité scientifique ;

b. Des facilités appropriées à cette fin soient mises en place.

Mobilité, notamment dans la fonction publique

23. Les Etats membres devraient prendre des mesures pour encourager et faciliter, dans le cadre d’une politique nationale d’ensemble concernant la main d’œuvre hautement qualifiée, l’échange et la mobilité des chercheurs scientifiques entre les services de recherche scientifique et développement expérimental qui dépendent des pouvoirs publics et ceux qui relèvent de l’enseignement supérieur ou des entreprises de production.

24. Les États membres devraient en outre considérer que l’administration gouvernementale peut tirer parti, à tous les échelons, des compétences particulières et des points de vue originaux que leur apportent les chercheurs scientifiques. Tous les Etats membres auraient donc grand intérêt à procéder à un minutieux examen comparatif de l’expérience acquise dans les pays où les barèmes de rémunération et d’autres conditions d’emploi ont été conçus spécialement pour les chercheurs scientifiques, le but de cet examen étant de déterminer dans quelle mesure des dispositions de ce genre répondraient à leurs propres besoins. Les questions qui paraissent mériter une attention particulière à cet égard sont les suivantes :

a. L’utilisation optimale des chercheurs scientifiques dans le cadre d’une politique nationale d’ensemble concernant la main d’œuvre hautement qualifiée ;

b. L’utilité d’instituer une procédure offrant toutes les garanties souhaitables en vue d’examiner périodiquement la situation matérielle des chercheurs scientifiques pour s’assurer qu’elle demeure comparable à celle des autres travailleurs ayant une expérience et des qualifications équivalentes et qu’elle est conforme au niveau de vie existant dans le pays ;

c. La possibilité d’offrir à ces chercheurs des perspectives de carrière satisfaisantes dans les organismes publics de recherche, ainsi que de ménager aux chercheurs ayant les qualifications scientifiques ou technologiques requises, la faculté de passer de postes de recherche scientifique et développement expérimental à des postes administratifs.

25. Les Etats membres devraient en outre tirer parti du fait que la science et la technologie peuvent être stimulées par un contact étroit avec d’autres domaines de l’activité nationale et vice versa. Ils devraient donc veiller à ne pas décourager les chercheurs scientifiques dont les prédilections et les talents, initialement cultivés dans le contexte propre de la recherche scientifique et du développement expérimental, les conduisent à s’orienter vers des activités apparentées. Ils devraient au contraire s’efforcer d’encourager les chercheurs scientifiques qui, de par leur formation initiale à la recherche et l’expérience acquise ultérieurement, manifestent des aptitudes dans des domaines tels que le management de la recherche scientifique et du développement expérimental et le domaine plus large des politiques scientifiques et technologiques dans leur ensemble, à développer au maximum leurs talents dans ces directions.

26. Les Etats membres devraient favoriser activement l’échange d’idées et informations entre chercheurs scientifiques du monde entier, cet échange étant essentiel au développement harmonieux de la science et technologie ; à cette fin, ils devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour donner aux chercheurs scientifiques la possibilité, tout au long de leur carrière, de participer à des réunions internationales de caractère scientifique et technologique et d’effectuer des séjours à l’étranger.

27. Les Etats membres devraient en outre veiller à ce que tous les organismes gouvernementaux ou semi-gouvernementaux qui effectuent ou font effectuer des travaux de recherche scientifique et développement expérimental consacrent régulièrement une fraction de leur budget au financement de la participation des chercheurs scientifiques qu’ils emploient à ces réunions internationales de caractère scientifique ou technologique.

Accès pour les chercheurs scientifiques à des situations de responsabilité plus élevée ainsi qu’aux avantages correspondants

28. Les Etats membres devraient veiller à ce que les décisions permettant aux chercheurs scientifiques qu’ils emploient d’accéder à des situations de responsabilité plus élevée et de bénéficier des avantages correspondants soient formulées essentiellement sur la base d’une appréciation équitable et réaliste des capacités de l’intéressé telles qu’en témoigne la manière dont il s’acquitte ou s’est récemment acquitté de ses tâches, ainsi que sur la base des titres officiels ou universitaires attestant les connaissances que l’intéressé a acquises ou les compétences dont il a fait preuve.

Protection de la santé ; sécurité sociale

29. a. Les Etats membres devraient admettre que, en tant qu’employeurs de chercheurs scientifiques, c’est à eux qu’il incombe – conformément à la réglementation nationale et aux instruments internationaux concernant la protection des travailleurs en général lorsqu’ils exercent leur activité dans un environnement hostile ou dangereux – de garantir, autant qu’il est raisonnablement possible de le faire, la santé et la sécurité des chercheurs scientifiques à leur service ainsi que de toute autre personne susceptible d’être touchée par la recherche scientifique et le développement expérimental en question. Il leur appartient donc d’assurer l’application par l’administration des institutions scientifiques de normes appropriées en matière de sécurité ; d’apprendre à toutes les personnes qui sont à leur service les consignes de sécurité nécessaires ; de surveiller et préserver la santé de toutes les personnes exposées à des risques ; de tenir dûment compte des dangers nouveaux (réels ou éventuels) qui leur sont signalés, en particulier par les chercheurs scientifiques eux-mêmes et d’agir en conséquence ; de garantir une durée raisonnable pour la journée de travail et le temps de repos, y compris un congé annuel intégralement payé.

b. Les Etats membres devraient prendre toutes les mesures appropriées pour inciter les autres employeurs de chercheurs scientifiques à prendre les mêmes dispositions.

30. Les Etats membres devraient faire en sorte que les chercheurs scientifiques bénéficient (comme tous les autres travailleurs) d’un régime adéquat et équitable de sécurité sociale tenant compte de leur âge, sexe, situation de famille, état de santé et de la nature du travail qu’ils accomplissent.

Encouragement, appréciation, expression et reconnaissance de la créativité

Encouragement

31. Les Etats membres devraient s’occuper activement de stimuler les facultés créatrices chez tous les chercheurs scientifiques qui se consacrent à la science et à la technologie.

Appréciation

32. Les Etats membres devraient, en ce qui concerne les chercheurs scientifiques à leur service :

a. Tenir dûment compte, lorsqu’il s’agit d’apprécier la créativité de ces chercheurs, du fait qu’il est difficile de mesurer une faculté personnelle qui se manifeste rarement sous une forme régulière et ininterrompue ;

b. Faire en sorte, au besoin par des encouragements, que les chercheurs scientifiques chez qui les facultés créatrices pourraient, semble-t-il, être utilement stimulées puissent : (i) Soit travailler dans un autre domaine de la science ou de la technologie, (ii) Soit abandonner la recherche scientifique ou le développement expérimental pour telle ou telle autre occupation, l’expérience qu’ils ont acquise et les autres qualités personnelles dont ils ont fait preuve pouvant être mieux mises à profit dans un contexte nouveau.

33. Les Etats membres devraient inviter instamment les autres employeurs de chercheurs scientifiques à faire de même.

34. Pour permettre une libre appréciation de la créativité, les Etats membres devraient s’efforcer d’assurer que les chercheurs scientifiques puissent :

a. Recevoir sans entraves les questions, critiques et suggestions qui leur sont adressées par leurs collègues du monde entier et bénéficier du stimulant intellectuel que leur apportent ces communications et les échanges auxquels elles donnent lieu ; b. Jouir en toute tranquillité de la considération internationale que leur valent leurs mérites scientifiques.

Expression par la publication

35. Les Etats membres devraient encourager et faciliter la publication des résultats obtenus par les chercheurs scientifiques au cours de leurs travaux afin de les aider à acquérir la réputation qu’ils méritent et, également, de promouvoir le progrès de la science, de la technologie, de l’éducation et de la culture en général.

36. A cette fin les Etats membres devraient faire en sorte que les écrits scientifiques et technologiques des chercheurs scientifiques jouissent d’une juste protection juridique, et notamment de celle qui est assurée au titre du droit d’auteur.

37. Les Etats membres devraient systématiquement et en concertation avec les organisations de chercheurs scientifiques, encourager les employeurs de chercheurs scientifiques, et s’attacher eux-mêmes en tant qu’employeurs :

a. A considérer comme étant de règle que les chercheurs scientifiques sont libres de publier les résultats des travaux qu’ils exécutent, et encouragés à le faire ;

b. A limiter au maximum les restrictions apportées au droit des chercheurs scientifiques de publier les résultats de leurs travaux, sans préjudice de l’intérêt du public ni des droits de leurs employeurs et de leurs collègues ;

c. A définir aussi clairement que possible, par écrit, dans l’énoncé des conditions d’emploi, les circonstances dans lesquelles lesdites restrictions risquent d’être appliquées ;

d. A préciser, de même, la procédure par laquelle les chercheurs scientifiques peuvent s’enquérir si les restrictions mentionnées dans le présent paragraphe sont applicables dans tel ou tel cas, ainsi que les voies de recours.

Reconnaissance

38. Les Etats membres devraient montrer qu’ils attachent une grande importance à ce que l’effort de création fourni par le chercheur scientifique dans son activité soit convenablement soutenu sur le plan moral et récompensé sur le plan matériel. 39. En conséquence les Etats membres devraient : a. Considérer que : (i) La mesure dans laquelle la créativité dont les chercheurs scientifiques font preuve dans leurs travaux est reconnue et appréciée peut influer sur la satisfaction professionnelle qu’ils retirent de leur travail ; (ii) La satisfaction professionnelle a toutes chances d’influer sur la valeur des travaux de recherche scientifique en général et peut influer tout particulièrement sur l’élément de créativité qu’ils comportent ; b. Accorder aux chercheurs scientifiques, et recommander qu’il soit adopté à leur égard, une attitude en rapport avec l’effort de création dont ils ont fait preuve. 40. De même, les Etats membres devraient adopter et recommander que soient adoptées les pratiques systématiques suivantes : a. Que les conditions d’emploi des chercheurs scientifiques comprennent des dispositions écrites indiquant clairement les droits (éventuels) du chercheur (et, s’il y a lieu, des autres parties intéressées) en ce qui concerne toute découverte, invention ou amélioration de procédé technique dont il pourrait être l’auteur au cours des travaux de recherche scientifique et développement expérimental qu’il effectue ; b. Que l’employeur attire toujours l’attention des chercheurs scientifiques sur ces dispositions écrites avant leur entrée en fonctions.

Nécessité d’interpréter et d’appliquer d’une manière raisonnablement souple les textes relatifs aux conditions d’emploi des chercheurs scientifiques

41. Les Etats membres devraient s’efforcer de faire en sorte que le travail de recherche scientifique et développement expérimental ne soit pas réduit à une pure routine. Ils devraient donc faire en sorte que tous les textes relatifs aux conditions d’emploi des chercheurs scientifiques soient conçus et interprétés avec toute la souplesse désirable pour tenir compte des exigences de la science et de la technologie. Toutefois, cette souplesse ne devrait pas être invoquée pour imposer aux chercheurs scientifiques des conditions d’emploi inférieures à celles dont bénéficient d’autres travailleurs ayant des qualifications et des responsabilités équivalentes.

Défense, par les chercheurs scientifiques agissant collectivement, de leurs divers intérêts

42. Les Etats membres devraient reconnaître qu’il est parfaitement légitime, et même souhaitable, que les chercheurs scientifiques s’associent pour protéger et promouvoir leurs intérêts individuels et collectifs, en constituant des groupements tels que syndicats, associations professionnelles et associations culturelles, en s’inspirant des principes énoncés dans les instruments internationaux énumérés dans l’annexe de la présente recommandation. Dans tous les cas où il est nécessaire de protéger les droits des chercheurs scientifiques, ces organisations devraient avoir le droit de soutenir les demandes justifiées des intéressés.

VI. UTILISATION ET MISE EN OEUVRE DE LA PRESENTE RECOMMANDATION

43. Les Etats membres devraient s’efforcer d’élargir et de compléter leur propre action en ce qui concerne la condition des chercheurs scientifiques en coopérant avec tous les organismes nationaux et internationaux dont l’activité est en rapport avec les objectifs de la présente recommandation, en particulier les commissions nationales pour l’Unesco ; les organisations internationales ; les organisations d’enseignants de science et de technologie ; les employeurs en général ; les associations culturelles ; les associations professionnelles et les syndicats de chercheurs scientifiques ; les associations d’écrivains scientifiques ; les organisations de jeunesse.

44. Les Etats membres devraient, par les moyens les plus appropriés, soutenir l’action des organismes précités.

45. Les Etats membres devraient s’assurer la coopération vigilante et active de toutes les organisations qui représentent les chercheurs scientifiques, en faisant en sorte que ceux-ci puissent, dans un esprit de service à l’égard de la collectivité, efficacement assumer les responsabilités et exercer les droits décrits dans la présente recommandation et se voir reconnaître la condition qui en fait l’objet.

VII. CLAUSE FINALE

46. Lorsque les chercheurs scientifiques jouissent, dans certains domaines, d’une condition plus favorable que celle qui résulte des dispositions de la présente recommandation, ces dispositions ne devraient, en aucun cas, être invoquées pour revenir sur les avantages déjà acquis.